Archives de catégorie : « Culture-pop » et droit international

Sont présentées ci-dessous les analyses du projet « Culture-pop » et droit international classées par ordre inversé de parution sur le site du centre.

Joe Sacco, Gaza 1956, en marge de l’histoire (Futuropolis, 2010, 424 pages) Une analyse d’Anne-Charlotte Martineau

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Joe Sacco est mondialement connu pour son talent, son engagement et son genre graphique, à la croisée du journalisme, du documentaire et de la bande dessinée. Sous la forme de « BD reportage », il raconte l’histoire des peuples et s’engage sans complaisance auprès des victimes de guerre et de violence : de la Bosnie à Gaza, en passant par l’Inde et Malte, il construit depuis plus de vingt ans une œuvre puissante, originale et profondément humaniste. Son album Gaza 1956, publié en 2009 aux États-Unis et traduit dans plusieurs langues, s’inscrit dans cette veine : en resituant à la fois l’expérience concrète des palestiniens –celle d’un continuum entre hier et aujourd’hui– et l’expérience vécue par le reporter/dessinateur lorsqu’il mène son enquête sur le terrain, Gaza 1956 offre au lecteur « un autre regard »[1] sur le conflit israélo-palestinien. Récompensé par de nombreux prix[2], cet album explore la relation entre le passé et le présent, la mémoire et l’expérience, d’une manière à la fois extrêmement sensible et rigoureuse. Continuer la lecture

La controverse de Valladolid (Jean-Daniel Verhaeghe, 1992) Les controverses du droit: l’universel et ses autres – Une analyse de Julie Saada

La_Controverse_de_ValladolidDiffusé en 1992 et récompensé par plusieurs prix[1], le film de Jean-Daniel Verhaeghe est une adaptation télévisuelle de la pièce de Jean-Claude Carrière[2], qui présente la célèbre controverse à travers deux journées de discussions tenues en avril 1550 au monastère des dominicains à Valladolid. La controverse oppose le dominicain Bartolomé de Las Casas (Jean-Pierre Marielle) au théologien Juan Ginès de Sépulvéda (Jean-Louis Trintignant), dont les arguments visent à permettre au légat du pape (Jean Carmet) de décider, soixante ans après la découverte de l’Amérique, si les Indiens sont « des êtres humains achevés et véritables, des créatures de Dieu, nos frères par la descendance d’Adam » ou « des êtres d’une catégorie distincte », voire « sujets du diable ». Continuer la lecture

Barbara Kruger – « Your body is a battleground » (1989) – Une analyse d’Anne Lagerwall

body battlegroundUne image en noir et blanc d’une personne anonyme, un slogan qui interpelle personnellement le spectateur par une affirmation assénée sur fond rouge à l’aide de caractères d’imprimerie blancs dont la police Futura Bold paraît empruntée à une presse écrite d’antan. Pas de doute. On est face à un photomontage de l’américaine Barbara Kruger dont l’œuvre consiste à détourner l’imagerie publicitaire propre à la société de consommation aux fins d’en dénoncer les structures oppressives. Le droit – et a fortiori le droit international – y semblent a priori peu convoqués. Le contexte dans lequel cette œuvre a été produite et utilisée la place toutefois au cœur d’une lutte menée par les mouvements féministes pour revendiquer le droit des femmes de disposer librement de leur corps, une lutte dont la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits montre qu’elle a encore toute sa raison d’être aujourd’hui, comme on l’expliquera dans un premier temps. Plus fondamentalement, l’affiche traduit sur un plan esthétique plusieurs considérations qui caractérisent généralement les approches critiques du droit et du droit international, attachées à une conception conflictualiste de la réalité dont elles entendent révéler les rapports de force afin de les dénoncer et à une réflexion relative au style de discours qui permet d’opérer une telle dénonciation, comme on l’abordera dans un second temps. Continuer la lecture

Cyclone à l’ONU : la partouze et les dollars, mamelles des Nations Unies ? – Une analyse d’Olivier Corten

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« Décidément, la partouze et les dollars étaient les deux mamelles des Nations Unies » (p. 133). Si l’on en croit cette affirmation pour le moins corrosive, les organisations internationales en général, et l’ONU en particulier, ne paraissent pas bénéficier d’un grand crédit auprès de Gérard de Villiers. Et, en effet, la lecture de Cyclone à l’ONU révèle une pensée à dominante réaliste, dans laquelle le droit et les institutions ne constituent au mieux que des artifices, au pire des instruments aux mains des Etats qui s’affrontent dans des relations de pouvoir. Le titre, qui met l’accent sur le désordre, voire l’anarchie, plutôt que sur la coopération et l’harmonisation, n’est donc pas innocent. Il exprime bien la conception des organisations internationales qui sera véhiculée tout au long du livre. Continuer la lecture

Ecouter de la musique comme un juriste, ou la porosité du droit et de la culture populaire : une analyse croisée des morceaux Srebrenica (Never Again) de Genocide et Mladic de Godspeed you ! Black Emperor

Une contribution de Martyna Fałkowska et de Arnaud Louwette

« What’s political music? All music is political, right? You either make music that pleases the king and his court, or you make music for the serfs outside the walls. It’s what music (and culture) is for, right? »godspeed genocide

C’est en ces termes que s’exprime le groupe Godspeed you ! Black Emperor dans une de ses très rares interviews données à la presse. Si le punk qui sommeille en nous ne peut qu’être interpellé par cette affirmation, on ne peut nier que les deux morceaux qu’examine cette contribution sont particulièrement politiques. Tous deux sont liés par une thématique commune : celle de la guerre en ex-Yougoslavie et du massacre dans l’enclave de Srebrenica de juillet 1995, plus particulièrement. En tous points musicalement différents, Srebrenica (Never Again) du bien nommé rappeur Genocide et Mladic de Godspeed you ! Black Emperor, l’abordent chacun d’une manière distincte, le premier s’inscrivant dans un discours très explicite de dénonciation et de deuil, le second, un morceau purement instrumental, évoquant, par l’absence de paroles, le caractère indicible de ces événements qui symbolisent, aujourd’hui encore, l’horreur de ce conflit. Continuer la lecture

1492 : La Conquête du Paradis ou les ambivalences du droit international colonial – Une analyse de Carlos Espaliú Berdud

1492 COVER1492 : La Conquête du Paradis, est un film européen réalisé par Ridley Scott et écrit par Roselyne Bosch, sorti en 1992 pour célébrer le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique par le navigateur Christophe Colomb. Les acteurs principaux sont Gérard Depardieu, dans le rôle de Christophe Colomb, et Sigourney Weaver, dans celui de la reine Isabelle, tous deux secondés par Armand Assante et Fernando Rey. La première partie du film nous montre les efforts que déploie Colomb pour convaincre les souverains espagnols – qui étaient en train d’achever la Reconquista de la péninsule Ibérique dont une partie était encore aux mains des musulmans – de valider et de financer un projet dont le but était d’ouvrir une nouvelle route maritime en direction des Indes, en naviguant vers l’ouest. Après quelques tentatives infructueuses, Colomb, qui parvient à gagner la confiance de la Reine, arrive à la convaincre et peut, enfin, réaliser son rêve. La deuxième partie du film présente au spectateur les énormes difficultés de la traversée, le découragement des marins, la foi et l’entêtement de Colomb et, enfin, le spectacle de la terre ferme, après plusieurs semaines de navigation, et l’arrivée sur une île du nouveau Monde. Le moment du film où Colomb met le pied sur la plage de l’île inconnue et découvre ce paradis d’une beauté incomparable est particulièrement émouvant. La musique épique de Vangelis accompagne ces images pour donner la mesure d’un événement historique. Continuer la lecture

“Atar Gull” ou le destin d’un esclave modèle (Nury et Brüno, éditions Dargaud, 2012) – Une analyse de Anne-Charlotte Martineau

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Dans cette BD, dont le scénario captivant est une adaptation du roman éponyme d’Eugène Sue paru en 1831, on suit l’histoire d’un jeune Africain à la stature imposante, Atar Gull. Celui-ci est capturé, vendu puis déporté dans une plantation de cannes à sucre de la Jamaïque dans les années 1830. Fils du roi de la tribu des Petits Namaquas, Atar Gull est réduit à la condition d’esclave et sombre dans une folie meurtrière. En effet, tout en affectant le plus profond dévouement à l’égard de Tom Will, le colon auquel il a été vendu, Atar Gull poursuit une vengeance secrète. C’est que Tom Will a fait pendre le père d’Atar Gull sous une imputation mensongère, tout simplement parce que le vieil homme, déporté comme son fils, lui coûtait plus qu’il ne lui rapportait. La vengeance d’Atar Gull sera féroce et implacable. Continuer la lecture

S.A.S. Bin Laden : la traque – Malko, conscience juridique de la CIA ? Une analyse de Nabil Hajjami

word-imageL’intrigue de ce 148ème numéro de SAS se déroule en 2002 et prend comme trame de fond l’intervention militaire des États-Unis en Afghanistan. Le roman nous permet de suivre les aventures de l’inénarrable Malko, dont la mission consiste ici en rien de moins que la capture du principal commanditaire des attentats du 11 septembre 2001. L’enquête, qu’il mènera au péril de sa vie, le conduira dans diverses régions d’Afghanistan et du Pakistan. Le roman commenté s’avère relativement riche en matériau juridique. Ces allusions au droit sont souvent le fruit des réflexions de Malko, lequel prend le soin, plusieurs fois dans le roman, de rappeler à l’un ou l’autre de ses interlocuteurs les potentielles limites juridiques de leur action.

À l’analyse, le roman commenté aborde des problématiques d’ordre institutionnel, principalement à travers le regard que porte son auteur sur l’ONU et ses agents ; et des questions d’ordre matériel – tout particulièrement lorsqu’il est question de la mise en œuvre de certaines règles du droit international public. On mettra ainsi en lumière le contraste qui existe entre le regard, très sévère, que l’auteur porte sur l’ONU, dont l’utilité et la pertinence sont régulièrement questionnées (I) et le regard, plutôt bienveillant, que ce même auteur porte sur diverses règles substantielles du droit international dont l’existence, sinon l’effectivité, lui paraissent indéniablement acquises (II). Continuer la lecture

De l’efficacité du respect et de la violation d’un boycott culturel : Paul Simon, Graceland et l’apartheid – Une analyse de Florian Couveinhes-Matsumoto

A Adrien

Le disque commenté ci-dessous ne parle pas, mais alors pas du tout de droit international. C’est même exactement le contraire : si l’on se contente de regarder sa pochette, de lire ses paroles et bien sûr d’écouter sa musique, il faut vraiment se creuser la tête pour y voir quoi que ce soit de politique ou de juridique. Et c’est voulu parce qu’il ne faut quand même pas tenter le diable : la confection de ce disque pouvait tout de même constituer (ou selon certains aurait pu constituer si elle avait été imputable à un Etat) rien moins que la violation d’une obligation découlant d’une norme impérative de droit international général ! Continuer la lecture

Lord of War (Andrew Niccol, 2005): The maritime adventures of a gunrunner – A review by Marco Benatar

In recent years, Nicolas Cage has risen to fame for his unmatched overacting and unintentionally hilarious rendering of roles requiring gravitas. To our good fortune, the star of Lord of War delivered one of his better performances in this war/crime film. Cage plays a Ukrainian-born New Yorker, Yuri Orlov, a disgruntled man whose zest for life pulls him into the shadowy realm of arms trafficking. We watch him progress from small-time peddler to weapons supplier extraordinaire to dictators and militias alike. All the while, his moral compass is seriously put to the test.

As transpires from the storyline, Lord of War provides fertile ground for international law discussions, whether they pertain to co-operation in transnational law enforcement, United Nations sanctions, international criminal justice, the legal framework governing the small arms trade etc. Ample are the themes from which to choose and it comes as no surprise that this film is frequently screened at NGO-hosted movie events, Amnesty International being a prime example. The selected extract deals with a less likely topic given the general thrust of the movie: maritime interdiction. Continuer la lecture