L’uchronie est ce genre de récit de fiction qui, en changeant un élément historique, s’interroge sur la manière dont le cours des choses aurait pu se dérouler. La série « Jour J », publiée aux éditions Delcourt, contient à ce jour une quarantaine de volumes, généralement indépendants les uns des autres, qui s’amusent de ces réécritures de l’Histoire. L’album Apocalypse sur le Texas[1] se déroule en 1967 dans un univers où, à la différence du nôtre, la Crise des missiles de Cuba d’octobre 1962 a connu un dénouement moins heureux. Dans cette version de l’histoire, un sous-marin soviétique en provenance de La Havane force le blocus imposé par le président Kennedy en tirant une torpille nucléaire sur le porte-avions USS Randolph. Cela entraînera une riposte non nucléaire états-unienne sur les sites d’armes nucléaires soviétiques présents à Cuba, déclenchant à son tour une nouvelle attaque nucléaire soviétique sur le territoire des États-Unis d’Amérique. La Maison-Blanche, le Pentagone et le Secrétariat d’État sont détruits. Une nouvelle réplique s’ensuit, provoquant la destruction de l’URSS. Cette guerre éclaire — environ 24 h — sera baptisée Guerre des 10 000 Soleils, et aura des répercussions mondiales, tant au niveau des équilibres géopolitiques, qu’aux niveaux sanitaire, environnemental et économique[2]. En 1967, la France et le Royaume-Uni doivent venir en aide aux États-Unis, en proie à une sécession sudiste — guidée par le président de la Nouvelle Confédération, qui n’est autre que l’acteur oscarisé Charlton Heston — et à des velléités irrédentistes mexicaines concernant le Texas. À cela s’ajoutent la possible mainmise sur d’anciennes ogives nucléaires par des suprémacistes blancs, la préservation des puits de pétrole texans, un Henry Kissinger président des États-Unis et un Richard Nixon gouverneur de la Californie : le décor est planté. C’est dans ce cadre qu’une question existentielle est posée au juriste internationaliste : que reste-t-il du droit international après un conflit nucléaire ? On verra que dans l’approche adoptée par les scénaristes, tant des règles destinées à limiter le recours à la force entre États — jus contra bellum — (1.), que des règles régissant la conduite des hostilités — jus in bello — (2.) survivent à une guerre nucléaire entre deux superpuissances. Continuer la lecture →