Archives de catégorie : « Culture-pop » et droit international

Sont présentées ci-dessous les analyses du projet « Culture-pop » et droit international classées par ordre inversé de parution sur le site du centre.

« De Salamanque à Guantánamo – Une histoire du droit international », de Gérard Bedoret, Olivier Corten et Pierre Klein — Une analyse de Anne-Charlotte Martineau

« De Salamanque à Guantanamo. Une histoire du droit international » est le fruit d’une collaboration plus que réussie entre deux professeurs de droit international de l’ULB, Olivier Corten et Pierre Klein, et un architecte de formation, Gérard Bedoret. Sortie le 5 octobre 2022 chez Futuropolis, cette bande dessinée a déjà été primée par l’ULB d’un Prix de la diffusion scientifique 2022, dans la catégorie « éditions digitale ou papier »[1], et elle a déjà fait l’objet de plusieurs recensions complimentant ce « passionnant ouvrage de vulgarisation »[2]. Cette bande dessinée s’inscrit en effet dans un mouvement de publication croissante de bandes dessinées à vocation didactique, destinées à expliquer au grand public les enjeux climatiques, l’économie politique ou encore la question du chômage. Dans ce contexte, « De Salamanque à Guantanamo. Une histoire du droit international » est un véritable tour de force : en 256 pages, Olivier Corten et Pierre Klein réussissent à présenter et à rendre intelligible, avec une juste dose d’humour, les grands débats intellectuels et politiques qui ont fait évoluer le droit international. On a ici affaire, pour reprendre la formule du journaliste Olivier le Bussy, « au nec plus ultra de la vulgarisation »[3], cette réussite étant aussi largement due à la qualité graphique et au trait charbonneux de Gérard Bedoret. Les clins d’œil à des œuvres célèbres, comme par exemple la référence cinématographique à la machine infernale des Temps Modernes (p. 123), permettent de dédramatiser les propos sans pour autant les banaliser.

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L’incroyable histoire de l’Île de la Rose (Sydney Sibilia, 2020) ou le droit international à la rescousse d’une utopie anarchiste – Une analyse de Stefano D’Aloia

Printemps 1968, au large des côtes italiennes, en eaux internationales. Un jeune ingénieur, Giorgio Rosa (Elio Germano), entreprend la construction d’une île. Son île. Il s’agit en réalité d’une plateforme d’environ 400 m², établie à 500 mètres au-delà des eaux italiennes. L’objectif de l’ingénieur Rosa ? Prouver à celle qu’il aime – son ex-petite amie sur le point de se marier – qu’il est capable de construire un monde à lui, où il fixerait ses propres règles et échapperait à celles de l’État italien. Son entreprise ne manquera pas de susciter la colère des autorités italiennes, aboutissant finalement à la destruction de cette île. Inspiré de faits réels, ce film s’en éloigne tellement qu’il s’apparente plus à une fable. Selon le Dictionnaire de l’Académie française, la fable peut être un « court récit en prose ou en vers par lequel on exprime une vérité générale, le plus souvent morale, sous le voile de la fiction » (un apologue), ou un « récit mensonger, [une] allégation fantaisiste, controuvée »[1]. Qu’en est-il ici ? S’agit-il plutôt d’éléments d’une vérité générale sous le voile de la fiction qui nous sont contés, ou bien d’un simple récit mensonger ? Répondre à cette question n’est pas aisé, le réalisateur ayant pris d’importantes libertés tant avec les évènements historiques narrés dans cette « incroyable histoire », qu’avec les éléments juridiques. Nous nous proposons toutefois de tenter l’exercice par l’analyse de deux problématiques susceptibles d’intéresser tout particulièrement le juriste internationaliste. Continuer la lecture

Baron noir (Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, 2016-) : une exécution extrajudiciaire à la française – Une analyse d’Olivier Corten [*]

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Baron noir (créée en 2016 par Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon) est une série télévisée française comptant actuellement trois saisons, dont la dernière a été diffusée sur Canal + au printemps 2020. Elle suit les tribulations de Philippe Rickwaert, un député-maire de Dunkerque habité par deux obsessions qui, dans le contexte de la vie politique de la fin des années 2010, paraissent contradictoires : l’Union de la gauche et, comme tout politicien français qui se respecte, la présidence de la République. Remarquablement réalisée (on a presque envie d’aller passer ses vacances à Dunkerque), émaillée par des rebondissements qui, s’ils ne sont pas toujours crédibles, nourrissent le suspense et le dynamisme de la série, émaillée de dialogues savants associant références historiques et savoureuses métaphores, Baron noir se range dans la lignée de productions comme A la Maison-Blanche (Aaron Sorkin, 1999-2006), House of Cards (Andrew Davies, 1990-1995; remake par Beau Willimon, 2013-2018) ou, plus encore, Borgen (Adam Price, 2010-2013). Bien loin de la mise en scène univoque et monochrome de l’homme politique cynique que l’on retrouve dans la version étasunienne de House of Cards autour de Frank Underwood ( v. l’analyse de Jed Odermatt dans la présente rubrique : https://cdi.ulb.ac.be/house-of-cards-season-3-international-law-and-american-power-a-review-by-jed-odermatt/), Philippe Rickwaert (Kad Merad), incarne de façon plus nuancée la tension entre la volonté de se conformer à un engagement sincère et authentique, d’une part, et la nécessité de composer avec les dures réalités de la vie et de la stratégie politique, de l’autre.

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La dernière Conférence (Marc BRESSANT, 2008) : Au théâtre de la diplomatie – Une opinion de Maxime DIDAT[*]

Résultat de recherche d'images pour "la dernière conférence bressant" Roman publié en 2008 aux éditions de Fallois, La dernière Conférence obtint la même année le Grand Prix du Roman de l’Académie française. Son auteur, Marc Bressant (né Patrick Imhaus, en 1938), est à la fois romancier, diplomate et homme de télévision. Il n’est pas rare que des hommes de plume aient épousé la Carrière, et vice versa (Chateaubriand, Joseph de Maistre, Paul Claudel, Albert Cohen, Romain Gary, Jean-Christophe Ruffin, pour n’en citer que quelques-uns dans la littérature francophone). Il est dès lors toujours très réjouissant d’observer comment les subtilités diplomatiques peuvent être transposées au fil des pages. Précisément, à quoi tiendrait donc cet aspect « réjouissant », tant on sait que, s’agissant de la diplomatie en général, et des organisations internationales en particulier, les montagnes accouchent la plupart du temps de souris. On ne peut qu’afficher un sourire narquois à la description qu’en faisait déjà, dans un Bulletin du CICR d’avril 1986, Alain Modoux (un ancien haut fonctionnaire international) :

« Pour l’observateur extérieur, les conférences internationales se suivent et se ressemblent : les résultats visibles et tangibles sont rares, les mots disent tout, voire trop, mais ils ne résolvent pas grand-chose. Les arènes du verbe que sont devenues les conférences sont de plus en plus perçues, par le public, comme le lieu privilégié d’affrontements oratoires stériles, où les belles promesses restent sans lendemain ».

A cet égard, La dernière Conférence illustre à merveille comment les caucus internationaux, s’ils ambitionnent initialement de produire des textes faisant date, sont souvent davantage des microcosmes où l’on cocktaile, séduit et déambule, en professant de grandes idées tout en vaquant à ses petites ambitions. L’ouvrage révèle, parfois avec légèreté, parfois sur un ton plus désabusé, qu’in fine, les déclarations et autres actes institutionnels deviennent solubles dans les coupes de champagne, et que les fioritures diplomatiques finissent par prendre le pas sur les ordres du jour politiques et juridiques. En fait, au fil des pages, on en vient à se demander quelles sont les avancées concrètes qui peuvent découler d’un tel barnum international.

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Jarhead (2005) de Sam Mendes : Vicissitudes d’une traversée (statique) du désert par les soldats américains après l’invasion du Koweït – Une analyse de Jean-Baptiste Dudant (doctorant contractuel de l’IHEI, Université Paris II Panthéon-Assas)

Quatre jours après l’invasion du Koweït par l’armée irakienne, les Etats-Unis déploient des troupes en Arabie saoudite dans le cadre de l’opération « Bouclier du désert », le 6 août 1990. Parmi les effectifs figure l’escouade des Jarheads, dont le film de Sam Mendes tire son nom et raconte l’histoire. Le long métrage décrit la dégradation de la santé mentale des soldats paralysés dans le désert saoudien à cause des mesures adoptées par le Conseil de sécurité. Le réalisateur met en scène l’impact de la « logique du garrot qu’il était loisible à l’Irak de desserrer à tout moment[1] » adoptée par le Conseil de sécurité et louée unanimement en doctrine. C’est cette logique de l’immobilisme qui est mise en scène dans le film.

Avant d’aborder plus précisément les considérations juridiques, insistons sur le fait que Jarhead est un film de guerre tranchant avec le genre habituel, puisqu’il propose la description d’un conflit où les armes à feu ne sont jamais utilisées par les personnages principaux en-dehors des terrains d’entraînement. Sam Mendes propose son interprétation d’une « drôle de guerre » d’un nouveau type, dont l’immobilisme semble aller à l’encontre de la fonction de combat du militaire. Cette contradiction, présentée comme la négation de la raison d’être du soldat, est au cœur du film.

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Présence militaire étrangère et droit international : « Armée française d’Alpha Blondy » – Une analyse de Sâ Benjamin Traoré

 

Il y a quelques jours, la France rendait hommage à treize de ses soldats morts au Mali. L’armée française n’a pourtant pas bonne presse dans les pays de la bande sahélo-sahélienne. La persistance des attaques terroristes y alimente de nombreux questionnements sur la présence militaire française. L’idée s’est dernièrement répandue selon laquelle les forces françaises, visiblement incapables de mettre fin aux attaques quotidiennes, seraient de connivence avec les groupes terroristes. Parfois plus subtilement, il est reproché à la France de profiter de la crise sécuritaire pour s’implanter davantage dans la région. Le terrorisme offrirait ainsi un prétexte à Paris pour assurer une main basse sur la région. Cela expliquerait son manque de volonté de venir à bout du phénomène. Il en a résulté une contestation, sans cesse grandissante, de la présence militaire française dans les pays concernés. Celle-ci se manifeste sous plusieurs formes, au point où on s’inquiète désormais en France d’une montée du sentiment anti français en Afrique.

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« Une saison à l’ONU – Au coeur de la diplomatie mondiale » de Karim Lebhour et Aude Massot (2018). Un regard à la fois lucide et tendre sur l’institution – Une analyse d’Anne Lagerwall

 

Une couverture tout en bleu et blanc, rappelant les couleurs de l’organisation internationale. Un personnage dont le regard file vers les hauteurs de l’édifice si caractéristique qui l’abrite, comme un pied de nez à John Bolton, l’ambassadeur y représentant les Etats-Unis durant la présidence de Georges W. Bush, qui n’avait pas hésité à affirmer que « si on enlevait dix étages à l’ONU, ca ne changerait strictement rien ». Il paraît difficile pour quiconque s’intéresse aux Nations Unies de ne pas être intrigué par ce roman graphique aux titre et sous-titre évocateurs. L’envie de se retrouver « au cœur de la diplomatie mondiale » est d’autant plus irrésistible que l’ouvrage raconte les années que Karim Lebhour, le scénariste, a passées à New York entre 2010 et 2014 à couvrir l’actualité des Nations Unies en tant que correspondant de Radio France Internationale, une histoire dont la narration autobiographique promettait a priori de charrier un matériau riche de représentations de ce que sont les Nations Unies et les règles qui en fondent les pouvoirs et en encadrent le fonctionnement.

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Le voyage de Marcel Gross (Philippe Collin et Sébastien Goethals, Futuropolis, 2018) – Une analyse de A.-C. Martineau

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« Le voyage de Marcel Gross » est un voyage dans le temps, un retour sur un épisode à la fois douloureux et occulté de la deuxième guerre mondiale. Les premières planches plantent le décor : nous sommes le 11 octobre 2009 et Marcel Gross, un vieil homme de 83 ans, se retrouve devant un mystérieux juge qui l’interroge sur son passé. Les questions portent sur les événements datant du 28 juin 1944, jour où Marcel, alors jeune Alsacien de 17 ans, rejoint la Waffen SS, trois mois après le débarquement des Alliés en Normandie. Au fil des pages, nous voyons Marcel se remémorer avec émotion ce jour fatidique où, comme 10 000 de ses camarades Alsaciens « malgré-nous », il fût embrigadé dans la Waffen SS. Pour le juge qui instruit son affaire, il va falloir convaincre le tribunal qu’il n’a pas été un criminel nazi. Comment déterminer la responsabilité de Marcel, dans la mesure où il a été enrôlé de force dans la Waffen SS, tristement réputée pour ses massacres de civils ? Continuer la lecture

Au service de la France : l’espionnage par les nuls. Une analyse de Valère Ndior

Le contenu de cette note d’information est conforme à la circulaire ULB-50-BL et a fait l’objet d’une déclassification secret défense. Elle contient des informations relatives aux saisons 1 et 2 de la série « Au service de la France ». Sa lecture doit être suivie d’un pot.

Au service de la France est une série comique diffusée sur la chaîne franco-allemande Arte depuis 2015 et dérivée de la franchise OSS 117. Les deux premières saisons se déclinent chacune en douze épisodes d’une vingtaine de minutes décrivant les activités de renseignement et d’espionnage menées par la France, entre la fin des années 1950 et le début des années 1960.

Au risque de décevoir le lecteur, la série n’accorde, à première vue, aucune place au droit international, privilégiant un traitement hautement parodique de la conduite des opérations extérieures de la France (I) et de sa coopération avec d’autres agences nationales de renseignement (II). Toutefois, qu’on ne s’y trompe pas : le visionnage attentif d’Au service de la France suscite des réflexions stimulantes sur le rôle stratégique que souhaite assumer l’Etat français au sein d’une société internationale en voie de bipolarisation. Les agents du Renseignement font volontiers passer leurs intérêts et ceux de leur pays avant leurs obligations internationales (lorsqu’elles existent), au risque de porter atteinte aux droits et intérêts d’Etats tiers (III) ou de faire preuve d’ingérence dans leurs affaires intérieures (IV).

 Prenez votre faux passeport et suivez-nous dans une excursion vivifiante en territoire ami.

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American Sniper (Clint Eastwood, 2014): une apologie de la guerre en Irak ? Une analyse de Vaios Koutroulis

 

Réalisé en 2014 par Clint Eastwood, le film American Sniper relate la vie de Chris Kyle, considéré comme étant le tireur d’élite le plus meurtrier de l’armée des Etats-Unis (CNN, « Chris Kyle, America’s deadliest sniper, offered no regrets », 25 février 2015, disponible sur : https://edition.cnn.com/2013/02/03/us/texas-sniper-killed-kyle-profile/index.html). Si une grande partie du film est consacrée aux quatre déploiements de Chris Kyle en Irak et à ses exploits militaires, Clint Eastwood explore d’autres facettes de son personnage, comme sa vie avant l’armée, son enrôlement et son entrainement au sein des SEALs, sa vie familiale et les effets de ses expériences militaires sur celle-ci ainsi que, une fois retourné aux Etats-Unis, son engagement auprès des vétérans de guerre en difficulté qui a finalement mené à sa mort, puisque Chris Kyle a été tué par un ancien marine atteint de stress post-traumatique. Bénéficiant d’un très grand succès commercial, le film a aussi été salué par la critique pour ses vertus cinématographiques, décrochant plusieurs nominations aux Oscars 2015, parmi lesquelles une dans la catégorie du meilleur film et une autre dans celle du meilleur acteur pour Bradley Cooper.

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