L’avis d’Olivier Corten et Vaios Koutroulis sur la création d’un tribunal pour juger du crime d’agression contre l’Ukraine

À la demande de la Sous-commission « Droits de l’homme » du Parlement européen, Olivier Corten et Vaios Koutroulis ont rédigé une analyse juridique des problèmes de légalité suscités par le projet de créer un tribunal spécial pour juger du crime d’agression commis contre l’Ukraine. L’analyse a été publiée le 14 décembre dernier sous forme de rapport et peut à présent être consultée en cliquant sur ce lien : O. Corten & V. Koutroulis – Tribunal for the crime of aggression against Ukraine.

Résumé

Dans ce rapport, Olivier Corten et Vaios Koutroulis émettent de sérieux doutes sur la légalité, au regard du droit international positif actuel, de la création d’un tribunal pouvant juger les responsables d’un crime d’agression contre l’Ukraine. Les principaux problèmes identifiés par les auteurs concernent les immunités des agents de l’État et l’absence d’une obligation de coopération avec le tribunal qui serait contraignante pour les États tiers. De l’avis des auteurs, ces deux problèmes ne peuvent pas être facilement contournés au regard du droit international positif. En effet, selon une conception orthodoxe de la légalité, afin de déroger aux immunités applicables et d’imposer une obligation de coopération aux États concernés, la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine nécessiterait une résolution adoptée par le CSNU conformément au chapitre VII de la Charte. Toutes les autres options explorées sont conçues comme un moyen de contourner cette exigence juridique et seraient probablement dénoncées comme telles par un nombre important d’États et de spécialistes du droit international.

Les auteurs explorent certaines interprétations évolutives des règles pertinentes du droit international qui, si elles étaient approuvées par la majorité des États, pourraient offrir des moyens de contourner les obstacles juridiques identifiés. Si l’on devait choisir parmi ces interprétations, les auteurs considèrent que la plus légitime est une interprétation large de la résolution  » Union pour le maintien de la Paix  » : étant donné l’incapacité du Conseil de Sécurité de l’ONU à remplir ses fonctions en raison du veto de l’un de ses membres permanents (la Russie), la résolution pourrait être interprétée de manière extensive permettant à l’Assemblée Générale de l’ONU de déférer le crime d’agression à la CPI.

Abstract

In this report, Olivier Corten and Vaios Koutroulis raise serious doubts about the legality, under current positive international law, of the creation of a tribunal capable of trying those responsible for a crime of aggression against Ukraine. The main problems identified by the authors concern immunities of State officials and the absence of an obligation of cooperation with the tribunal which would be binding on third States. In the view of the authors, these two problems cannot be easily circumvented under positive international law. Indeed, following an orthodox conception of legality, in order to derogate from applicable immunities and to impose an obligation of cooperation on the relevant States, the creation of a special tribunal for the crime of aggression against Ukraine would require a resolution adopted by the UNSC according to Chapter VII of the Charter. All the other options explored are conceived as a means to bypass this legal requirement and would be probably denounced as such by a significant number of States and specialists of international law. 

The authors explore certain evolutive interpretations of the relevant rules of international law which, if endorsed by the majority of States, may offer ways of bypassing the legal obstacles identified. If one were to choose among these interpretations, the authors consider the more legitimate one to be a broad interpretation of the “Uniting for Peace” resolution: given the UN Security Council’s inability to discharge its duties due to the veto of one of its permanent members (Russia), the resolution could be interpreted extensively allowing the UN General Assembly to defer the crime of aggression to the ICC.

 

 

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