Le 10 octobre 2017, le Président de la généralité de Catalogne, Carles Puigdemont, a unilatéralement déclaré l’indépendance de ce territoire. Cette proclamation fait suite au scrutin organisé le 1er octobre, à l’occasion duquel les électeurs catalans furent invités à répondre à la question suivante : « voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d’une République ? ». Les résultats de cette consultation, publiés par les autorités catalanes, ont donné le « oui » très largement vainqueur – 90,09%, selon les estimations consultables sur le site internet du gouvernement catalan.
La portée de cette déclaration d’indépendance est pour le moins incertaine, son auteur ayant immédiatement proposé de suspendre ses effets afin d’entreprendre un dialogue avec le gouvernement espagnol (Carles Puigdemont, Official Statement by the President on the political situation in Catalonia, 10-10-2017, disponible sur le site internet du gouvernement Catalan : http://www.catalangovernment.eu/pres_gov/government/en/news/303583/official-statement-president-political-situation-catalonia.html).
La proclamation du 10 octobre 2017 s’apparente en effet à un acte de portée politique qui s’intègre dans un processus sécessionniste plus large. En ce sens, et de l’avis même d’un membre du gouvernement catalan, cette déclaration constitue « un acte solennel […] [qui] n’a pas de valeur juridique » (propos rapportés in Sandrine Morel, « Carles Puigdemont diffère l’indépendance », Le Monde, 12 octobre 2017, p. 2). Aussi, et dans le cadre de la présente analyse juridique, l’attention ne sera pas focalisée sur la déclaration unilatérale d’indépendance du 10 octobre en tant que telle, mais sur l’ensemble du processus sécessionniste dont cette déclaration ne constitue que l’aboutissement.
L’objet de cet article est d’examiner les prétentions à l’indépendance de la Catalogne au regard du droit international public. Avant d’entamer l’analyse, il paraît légitime de se demander si la grille de lecture juridique demeure, aujourd’hui, encore pertinente pour apprécier les évènements de ces dernières semaines. La situation en Catalogne s’avère parfois dépeinte comme une crise dont l’issue serait exclusivement suspendue à un rapport de force au sein duquel les considérations juridiques n’auraient plus guère droit de cité. Des observateurs estiment, au regard des développements observés ces dernières semaines en Catalogne, que « le droit déraisonnable » devrait exceptionnellement s’effacer au profit de considérations de légitimité ou de justice (sur cette question, voy. Sophie Wahnich, « La légalité, bouclier des puissants », Libération, 5 octobre 2017, p. 4 ; Yves Roucaute, « Per Catalunya !, la liberté des nations doit l’emporter », Le Monde, 12 octobre 2017, p. 22).
Pourtant, à bien y regarder, le droit occupe actuellement une place centrale dans les discours construits par les différents protagonistes de la crise. Le langage juridique est très fortement mobilisé par ces acteurs, lesquels développent une vision assez nettement utilitariste du droit, en tant qu’outil de légitimation de diverses revendications. L’examen de ces discours suggère même que le prisme de la légalité fait figure d’horizon indépassable de la situation en Catalogne (en ce sens, certains commentateurs voient dans le recours au droit le moyen de trouver une issue à la crise que traverse l’Espagne ; voy. les extraits de La Vanguardia reproduits in Courrier international, n°1405 du 5 au 11 octobre 2017, p. 10).
Dans ce contexte, avant de s’atteler à l’analyse juridique du processus sécessionniste catalan, l’article va d’abord exposer les positions respectives des gouvernements espagnol et catalan, ainsi que celle d’entités tierces au différend, principalement des États, mais également organisations internationales ou collectivités infra-étatiques.
En premier lieu, le gouvernement espagnol, par le biais du Président du gouvernement Rajoy, a déclaré que le « referendum was illegal, inadmissible and impossible », que les indépendantistes « tried to wipe out the Spanish Constitution » et que « what was at stake here was the validity of our constitutional order » (Mariano Rajoy, Moncloa Palace, Madrid, Friday 29 September 2017). La Vice-Présidente du gouvernement espagnol a, dans la même veine, qualifié le scrutin d’ « illegal referendum » en précisant que « this attempt was, from the very outset, unconstitutional » (Soraya Sáenz de Santamaría, Moncloa Palace, Madrid, Friday 29 September 2017).
Les rares références au droit international public qu’il est possible de relever dans le discours des autorités espagnoles ne portent pas, en substance, sur les principes juridiques liées à la sécession catalane en tant que telle. Elles pointent plutôt le fait que le déroulement du scrutin du 1er octobre n’aurait pas respecté les standards internationaux en matière d’organisation de consultations électorales. En ce sens, le porte-parole du gouvernement espagnol a souligné que
« the referendum not only breaches Spanish law, but also international order, and particularly European law. […] The Venice Commission – the supreme body of the Council of Europe that oversees the legality of electoral processes – also pointed out that this referendum fails to meet the Commission’s standards » (Íñigo Méndez de Vigo, Moncloa Palace, Madrid, Friday 29 September 2017).
Plusieurs États ont par ailleurs pris position pour exprimer leur réticence à l’égard des prétentions indépendantistes de la Catalogne. On peut mentionner des exemples qui, dans le cadre de ces quelques lignes, ne prétendent évidemment pas à l’exhaustivité. La France a déclaré, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, être « attachée à l’unité et à l’intégrité de l’Espagne » et avoir « pleinement confiance dans la capacité de la démocratie espagnole à conduire un dialogue politique apaisé, dans le cadre de la légalité constitutionnelle » (Déclaration de politique étrangère, Point de presse, Paris, 2 octobre 2017). Pour sa part, la Fédération de Russie « believe that the matter concerning Catalan should develop strictly in keeping with the current Spanish legislation ». Le gouvernement russe précise également que la situation doit être appréciée « in the context of the respective decisions of the Constitutional Court of Spain » (Briefing by Foreign Ministry Spokesperson Maria Zakharova, Moscow, September 28, 2017). Le Président Trump a déclaré, sans d’ailleurs se placer sur un registre juridique – qu’il soit international ou constitutionnel – que « Spain is a great country and it should remain united » (Remarks by President Trump and President Rajoy of the Government of Spain in Joint Press Conference, The White House, Office of the Press Secretary, September 26, 2017). On peut enfin citer la déclaration du ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, pour qui « la solution ne peut venir que du dialogue sur la base de l’État de droit et dans le cadre de la Constitution espagnole » (propos rapportés in Sandrine Morel, « Chez les indépendantes, l’extrême gauche crie à la trahison », Le Monde, 12 octobre 2017, p. 3)
Fait suffisamment rare pour être signalé, l’Union européenne, par le biais de la Commission, s’est également prononcée sur la question. Elle a estimé que « under the Spanish Constitution, yesterday’s vote in Catalonia was not legal. For the European Commission, as President Juncker has reiterated repeatedly, this is an internal matter for Spain that has to be dealt with in line with the constitutional order of Spain (European Commission, Statement 17/3626 on the Events in Catalonia, Brussels, 2 October 2017). La Commission a par ailleurs précisé que, dans l’hypothèse où la Catalogne deviendrait indépendante, « it would mean that the territory leaving would find itself outside of the European Union » (idem). Cette déclaration, qui peut sonner comme une mise en garde adressée aux indépendantistes catalans, s’avère juridiquement conforme à la pratique internationale relative à la succession d’États aux traités constitutifs d’organisations internationales. Une Catalogne indépendante devrait être regardée comme un nouvel État tiers à l’Union européenne et ne saurait donc prétendre devenir automatiquement membre de l’organisation. Cette position ne constitue qu’une réitération de ce que la Commission avait décidé plus tôt, lorsque se posait la question de l’indépendance de l’Écosse. Dans une lettre du 10 décembre 2012 adressée aux autorités britanniques, le Président Barroso avait en effet souligné que « if part of the territory of a Member State would cease to be part of that state because it were to become a new independent state, the Treaties would no longer apply to that territory » (José Manuel Barroso, SC 12-13/EA68, Brussels, 10, December 2012, p. 1).
Les quelques exemples ci-dessus rapportés semblent montrer que les acteurs a priori hostiles à l’indépendance de la Catalogne construisent un discours juridique n’accordant qu’une place résiduelle au droit international public. C’est, au contraire, à l’aune du seul droit interne – et plus singulièrement constitutionnel – espagnol que devraient, selon ce point de vue, être appréciées la situation et les revendications de la Catalogne.
Le constat s’inverse dès lors que l’on porte l’examen sur le discours juridique des partisans de l’indépendance. Le mémoire explicatif adossé à la loi catalane du 6 septembre 2017, relative à l’organisation du « référendum d’autodétermination », fait dans son introduction mention des Pactes de New York ainsi que de l’article 1§2 de la Charte des Nations unies. L’article commun 1er aux Pactes dispose que « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes » (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, article 1er commun) tandis que la Charte de l’ONU consacre le « principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes » (Charte des Nations unies, 26 juin 1945, article 1§2). Le mémoire mentionne également l’article 96 de la Constitution espagnole de 1978, selon lequel les traités internationaux valablement conclus par l’Espagne font partie intégrante de son ordre juridique. La propension qu’ont les discours a priori favorables à l’indépendance à envisager la situation au regard du droit international (en faisant notamment référence au droit à l’autodétermination) plutôt que sur le droit interne espagnol peut être confirmée par un autre exemple. La Ministre déléguée aux Affaires extérieures de l’Écosse a commenté la situation en Catalogne en soulignant que « all peoples have the right to self-determination and to choose the form of government best suited to their needs, a principle which is enshrined in the UN Charter » (Scottish Government, Statement on Catalonia, Cabinet Secretary for External Affairs Fiona Hyslop, September 16, 2017).
Ces différentes postures juridiques à l’esprit, tentons à présent d’apprécier la façon dont le droit international envisage la création d’un nouvel État. À l’heure actuelle, un véritable droit à l’indépendance découle du droit à l’autodétermination (dans sa dimension qualifiée « d’externe ») en faveur les peuples « sous domination coloniale ou sous occupation étrangère » (voy. notamment la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU (AGNU), A/RES/68/153, 15 janvier 2014, p. 2) ainsi qu’aux peuples soumis à un régime raciste (AGNU, Résolution 3103 (XXVIII), 12 décembre 1973, § 1). La Catalogne entre-t-elle dans l’un de ces cas de figure ?
Les deux dernières hypothèses peuvent, assez aisément, être écartées. En droit international, un « territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie » (Convention IV de la Haye, 18 octobre 1907, art. 42). Nul n’a, à notre connaissance, soutenu que la Catalogne était militairement occupée par l’Espagne et il serait, au demeurant, pour le moins hasardeux de s’essayer à pareille démonstration. De même, il paraîtrait particulièrement outrancier de qualifier l’Espagne de « régime raciste », a fortiori lorsque l’on sait que cette notion a, à l’origine, été forgée pour dénoncer la politique de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.
Le Président de la généralité de Catalogne a en revanche soutenu que le territoire catalan était une « colonie de l’Espagne » (Voy. Pierre Singaralavélou, « La Catalogne, décolonisation ou dénationalisation », Libération, 5 octobre 2017, p. 5). Il n’est pas certain que, pour son locuteur, cette qualification relevât du registre authentiquement juridique. Elle semble plutôt s’inscrire dans une rhétorique mobilisant des concepts volontiers évocateurs – tels que celui de « colonie » – aux fins de rallier les opinions publiques à la cause catalane. En tout état de cause, et pour en revenir au droit international, la réalité de la Catalogne semble a priori peu correspondre à la réalité juridique visée par le terme « colonie ». Selon la pratique de l’Assemblée générale de l’ONU, l’identification d’un territoire colonial suppose en effet l’existence d’un « territoire géographiquement séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui l’administre ». De plus, il est nécessaire de procéder à cette qualification en tenant compte de tous « les éléments de nature administrative, politique, juridique, économique ou historique […] [qui] placent arbitrairement [le territoire colonial] dans une position ou un état de subordination » (Assemblée générale de l’ONU, Résolution 1541 (XV), 15 décembre 1960, Annexe, Principes IV et V). Le territoire catalan ne correspond raisonnablement pas à une telle situation.
La Catalogne ne constitue donc, au sens du droit international public, ni un territoire sous occupation étrangère ou soumis à un régime raciste, ni un territoire colonial. Elle ne saurait donc utilement se prévaloir d’un droit à l’indépendance fondé sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce constat ne suffit cependant pas à épuiser le débat.
L’hypothèse d’une déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne soulève en effet la question de la création d’État en dehors des situations où sont identifiés des peuples coloniaux, sous occupation étrangère ou soumis à des régimes racistes.
Dans ces cas de figure, le droit international public observe, en principe, une posture de neutralité juridique à l’égard des déclarations d’indépendance. Il ne les autorise pas, non plus qu’il les interdit. La question de leur licéité est alors renvoyée à l’appréciation d’un autre ordre juridique, interne à l’État concerné. Chaque État est libre d’autoriser, de réglementer ou d’interdire la sécession en son sein.
Les précédents en ce sens ne manquent pas et, pour se limiter à des exemples relativement récents, on peut mentionner les proclamations unilatérales d’indépendance de la République autonome de Crimée (2014), de l’État islamique (2014), de l’Azawad (2012), ou du Kosovo (2008). Les déclarations d’indépendance ne sont pas nécessairement « unilatérales » et elles peuvent résulter d’un processus de négociation avec l’État dont l’entité se sépare. Ce fut, par exemple, le cas pour le Soudan du Sud (2011) ou le Monténégro (2006).
Selon Cour internationale de Justice (CIJ), le droit international se prononce – pour les interdire – au sujet des déclarations unilatérales d’indépendance lorsque celles-ci vont de pair avec une violation grave d’une norme de droit international général (CIJ, Avis consultatif, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, 22 juillet 2010, § 81). On pense, par exemple, au cas de figure où la déclaration d’indépendance aurait été rendue possible par un recours à la force d’un État tiers, contraire à l’article 2§4 de la Charte de l’ONU (ce qui semble être le cas pour la Crimée, voy. Assemblée générale de l’ONU, A/RES/68/262, 27 mars 2014, §§ 2 et 5) ou bien à une situation où les indépendantistes auraient commis des violations massives et répétées du droit humanitaire (ce qui correspond par exemple à la situation de l’Azawad, voy. Conseil de sécurité de l’ONU, S/RES/2056 (2012), 5 juillet 2012, préamb.).
Dans ces hypothèses, ce n’est pas la déclaration unilatérale en tant que telle qui est contraire au droit international, mais plutôt le fait, pour elle, d’être consubstantiellement liée à une violation grave du droit international général. La licéité de la déclaration serait, pourrait-on dire, indirectement contaminée par la violation grave du droit international dont elle procède.
Rien de tel, évidemment, pour ce qui concerne la situation en Catalogne. S’il est possible, selon diverses sources, d’observer des manquements aux standards électoraux internationaux lors de la tenue de la consultation du 1er octobre 2017, il paraitrait manifestement déraisonnable d’en déduire que le processus indépendantiste serait « allé de pair », pour reprendre la terminologie de la CIJ, avec une violation grave du droit international général.
La sécession de la Catalogne n’est donc pas contraire au droit international public. Passé ce constat, et pour examiner la question sous tous ses aspects, il faut enfin se demander s’il est des hypothèses, en droit international, où existerait un véritable « droit » – c’est-à-dire non pas une simple absence d’interdiction mais une véritable prérogative subjective – à la sécession dont la Catalogne pourrait, le cas échéant, se prévaloir.
Cette question renvoie à la problématique de la « sécession-remède », théorie selon laquelle un droit à l’indépendance existerait au profit de minorités opprimées, lorsque l’État violerait massivement et systématiquement leurs droits fondamentaux. Dans cette hypothèse, la fraction de la population opprimée se verrait exceptionnellement octroyée un droit à l’indépendance, afin de se détacher de l’État oppresseur. Cette théorie découle, pour une large part, du jugement rendu par la Cour suprême du Canada, le 20 août 1998. À cette occasion, fut posée au juge constitutionnel canadien la question suivante : les autorités québécoises « possède[nt]-t-[elles], en vertu du droit international, le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada ? » (Cour suprême du Canada, Renvoi relatif à la sécession du Québec, 20 août 1998, § 2).
Le Jugement évoque la possibilité, pour un peuple opprimé, de se voir exceptionnellement attribuer un droit à la sécession (ibid., § 134) en précisant cependant ne pas être certain que cette « thèse reflète réellement une norme juridique internationale établie » (ibid., §135). En 2010, la CIJ a elle-même décliné sa compétence pour statuer sur l’existence, en droit positif, d’un droit de « sécession remède » (CIJ, Avis consultatif, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, 22 juillet 2010, §§ 82-83).
Quelle que soit la validité juridique de la théorie de la « sécession remède », son applicabilité à la Catalogne paraît assez peu envisageable. Certes, les violences policières et les graves incidents qui ont émaillé le scrutin du 1er octobre 2017 ont empêché les catalans d’exprimer librement leur choix par la voie des urnes. Cela dit, il n’est pas certain que cette situation corresponde à une oppression systématique ouvrant un hypothétique droit à la « sécession-remède ». Eu égard à son organisation politique régionalisée et à l’autonomie linguistique et culturelle dont elle bénéficie, il est difficile de soutenir que la Catalogne se voit refuser, pour reprendre les termes utilisés par la Cour suprême du Canada, toute possibilité institutionnelle, au sein de l’État espagnol, d’assurer son développement politique, économique, culturel et social.
Pour donc résumer l’ensemble de ce qui vient d’être dit, la sécession de la Catalogne n’est pas contraire au droit international, pas plus qu’elle n’est autorisée par lui. La légalité du processus sécessionniste doit s’apprécier au regard seul du droit constitutionnel de l’Espagne. À l’aune de ce constat, on comprend dès lors les postures des acteurs qui, réticents à l’indépendance, construisent un discours juridique n’accordant qu’une place résiduelle au droit international public.
Les positions favorables à l’indépendance situent le débat dans le registre du droit international public – en faisant appel, de façon plus ou moins convaincante, à diverses notions empruntées à cette discipline – tandis que le discours juridique prônant le maintien de l’unité veille méticuleusement à demeurer dans le registre du droit constitutionnel espagnol, en prenant soin d’écarter, sauf exception, toute référence au droit international public.
Ainsi, les discours juridiques des uns et des autres se positionnent-ils, sans véritablement se confronter, dans deux ordres juridiques distincts, l’un interne, l’autre international. De ce constat, découle ce que cette brève étude aura fondamentalement essayé de démontrer : partisans et opposants à l’indépendance ne peuvent, en l’état, trouver d’entente sur le terrain du droit pour la simple raison qu’ils ne parlent pas le même langage juridique.
Absolument d’accord avec votre analyse et vos conclusions quant à la déclaration d’indépendance de la Catalogne. Quid de la situation du Kurdistan irakien.
Est on en présence d’un sécession remède?
Merci pour votre commentaire. De mon point de vue, la sécession remède (pourvu que l’on admette son existence en droit) pourrait moins difficilement s’appliquer au Kurdistan qu’à la Catalogne car il est notoire que les Kurdes d’Irak ont subi de graves répressions de la part de l’Etat Irakien (en particulier dans les années 1990). Cela dit, est-ce que les graves violations des droits humains subies en 1991 justifieraient une sécession-remède en 2017? Je n’en suis pas certain…
dans quelle catégorie rangeriez-vous un processus identique en France engagé sous couvert de l’art 53 al 2 de la Constitution?
Merci pour votre commentaire. J’imagine que vous faites référence aux traités qui portent sur une « cession, échange ou adjonction de territoire ». En cette hypothèse, ces traités doivent par définition être ratifiés ou approuvés par le législateur français ainsi que par les populations intéressées. Cela suppose donc que, d’un point de vue du droit constitutionnel français, toutes les parties soient d’accord sur le changement territorial.
Du point de vue du droit international, il faudrait examiner quelle est spécifiquement la population concernée par le changement territorial. Certaines (je pense notamment aux populations d’outre-mer telle que celle de la Nouvelle Calédonie) peuvent être qualifiées de peuple « colonial » ayant un droit à l’autodétermination dans sa dimension externe. D’autres (les populations métropolitaines ayant des spécificités linguistiques ou culturelles comme les basques, bretons, etc…) ne sont pas qualifiables de « peuples coloniaux » et n’ont donc pas de « droit » à l’autodétermination externe, au sens du droit international.
Accord total: il est clair que les Catalans, qui bénéficient sans doute d’un droit à disposer d’eux-mêmes au sein de l’Etat espagnol ne peuvent se prévaloir de ce droit pour revendiquer un droit à l’indépendance. Ceci étant, au cas où l’indépendance serait proclamée et réussirait à s’inscrire dans la durée, le droit international prendrait note de (et consacrerait) cet état de fait (l’indépendance de l’Etat est une question de fait – cf. les Avis n° 1 et 8 de la Commission Badinter de 1981)