Dans trois avis publiés conjointement le 21 mars 2024, l’avocate générale devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) exprime sa position concernant la manière dont la Cour devrait trancher les trois instances qui lui sont soumises et qui concernent le statut du Sahara occidental et les relations économiques entretenues à l’égard de ce territoire entre l’UE et le Maroc. Deux des affaires consistent en des appels visant deux jugements d’annulation rendus par le Tribunal de l’UE, la troisième étant issue d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État français, relative à l’étiquetage des produits originaires du Sahara occidental.
Dans les affaires concernant la conclusion d’accords économiques entre l’UE et le Maroc, la question était de savoir à quelles conditions et selon quelles modalités il était possible d’en étendre les effets au Sahara occidental, compte tenu de son statut de territoire non autonome, du droit à l’autodétermination dont jouit le peuple sahraoui et des arrêts rendu en la matière par la Cour de Justice de l’UE, dans de précédentes instances. La Cour avait établi que toute application d’accords au Sahara occidental devrait, en application du droit à l’autodétermination et du principe de l’effet relatif des traités, reconnaître un statut distinct à ce territoire et recevoir l’expression du « consentement du peuple du Sahara occidental ».
Au cours du processus de conclusion des derniers accords, le Conseil et la Commission ont considéré qu’il était possible de rencontrer les exigences formulées par la Cour en procédant à certaines consultations d’acteurs du Sahara occidental, en dépit de l’opposition du Front Polisario, et en se fondant sur le consentement du Maroc, assimilé à une « puissance administrante de facto » du territoire, moyennant la précision que les accords sont « sans préjudice des positions respectives de l’Union européenne sur le statut du Sahara occidental et du Royaume du Maroc sur ladite région ».
A quelques nuances près, l’avis de l’avocate générale valide cette conception des choses. La thèse défendue par l’avocate générale tient en trois points : 1. Le Front Polisario n’est pas habilité à exprimer le consentement du peuple sahraoui ; 2. Le Maroc peut être considérée comme la « puissance administrante » du Sahara occidental et conclure des accords « au nom du peuple sahraoui » ; 3. Un traitement séparé du Sahara occidental doit néanmoins être établi dans les accords.
François Dubuisson propose une analyse chacun de ces trois points, en montrant en quoi l’argumentation de l’avocate générale s’écarte substantiellement des contours donnés en droit international au droit à l’autodétermination, en particulier dans le contexte de la question du Sahara occidental. Le texte de l’analyse est disponible ici.
The three opinions of March 21, 2024, rendered by the Advocate General before the CJEU in cases relating to Western Sahara – An analysis by François Dubuisson
In three opinions jointly published on March 21, 2024, the Advocate General before the Court of Justice of the European Union (CJEU) expresses her position regarding how the Court should rule on the three cases submitted to it concerning the status of Western Sahara and the economic relations maintained with this territory between the EU and Morocco. Two of the cases consist of appeals against two annulment judgments rendered by the EU General Court, while the third stems from a preliminary question asked by the French Council of State concerning the labeling of products originating from Western Sahara.
In the cases concerning the conclusion of economic agreements between the EU and Morocco, the question was whether and under what conditions it was possible to extend their effects to Western Sahara, considering its status as a non-self-governing territory, the right to self-determination enjoyed by the Sahrawi people, and the judgments rendered on the matter by the CJEU in previous cases. The Court had established that any application of agreements to Western Sahara should, in accordance with the right to self-determination and the principle of the relative effect of treaties, recognize a distinct status for this territory and receive the expression of the « consent of the people of Western Sahara. »
During the process of concluding the latest agreements, the Council and the Commission considered that it was possible to meet the requirements set by the Court by conducting certain consultations with stakeholders from Western Sahara, despite the opposition of the Polisario Front, and relying on the consent of Morocco, deemed a « de facto administering power » of the territory, with the clarification that the agreements are « without prejudice to the respective positions of the European Union on the status of Western Sahara and the Kingdom of Morocco on the said region. »
With a few nuances, the opinion of the Advocate General validates this understanding. The thesis defended by the Advocate General rests on three points: 1. The Polisario Front is not authorized to express the consent of the Sahrawi people; 2. Morocco can be considered the « administering power » of Western Sahara and conclude agreements « on behalf of the Sahrawi people »; 3. Nevertheless, a separate treatment of Western Sahara must be established in the agreements.
François Dubuisson provides an analysis of each of these three points, showing how the Advocate General’s argumentation substantially deviates from the contours given in international law to the right to self-determination, particularly in the context of the Western Sahara issue. The text of the analysis is available here (in french).
Quand seront rendus les arrêts ?
Un débat est-il prévu au Centre ensuite ?
Merci beaucoup, François