Tandis que des milliers de personnes ont franchi les frontières européennes ces derniers mois, à partir de la Biélorussie, des milliers d’autres se sont quant à elles retrouvées bloquées aux frontières polonaise, lettones et lituaniennes avec la Biélorussie, dans des conditions désastreuses, sans possibilité de rentrer sur le territoire de l’Union européenne ni de retourner en Biélorussie. En particulier, les tensions à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie se sont considérablement intensifiées ces dernières semaines tandis que les gardes-frontières polonais refusent de laisser entrer sur le territoire polonais ces milliers de migrants. À l’heure actuelle, au moins 13 personnes sont décédées dans ces zones frontalières, majoritairement d’hypothermie. La Biélorussie est première responsable de cette situation. En réaction aux différentes sanctions et mesures adoptées par l’Union européenne, le président Biélorusse, Alexandre Loukachenko, entend faire pression sur l’Union européenne et ses États membres en mettant à exécution sa menace « d’inonder l’Europe de migrants ». Loukachenko semble délibérément vouloir attirer des migrants et demandeurs d’asile, pour la plupart originaires d’Afghanistan, d’Iraq, de Syrie, mais aussi de pays africains, à Minsk en leur fournissant des visas de types ‘touristes’, voire en n’en exigeant aucun. Depuis Minsk, il semblerait ensuite que des agents biélorusses organisent et facilitent leur transport et leur passage aux frontières avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie. Par exemple, les autorités polonaises disent avoir enregistré plus de 17 000 tentatives de traversées, dites irrégulières, depuis la Biélorussie durant le seul mois d’octobre 2021. Très vite, la Lettonie, la Pologne et la Lituanie ont déclaré un état d’urgence aux frontières, et refusent catégoriquement toute entrée sur leur territoire. Toutefois, la Biélorussie refuse que les migrants ainsi renvoyés retournent en Biélorussie et procède, dans ce but, également à une surveillance accrue de ses frontières. Par conséquent, et depuis des mois, des milliers de personnes sont bloquées aux frontières entre la Biélorussie d’une part, et la Pologne, la Lituanie et la Lettonie d’autre part, surveillées de près par les gardes-frontières biélorusses et par les forces polonaises, lituaniennes et lettones. Ces personnes se retrouvent piégées dans une sorte de ‘no man’s land’ entre la Biélorussie et ces trois pays. Tandis que la situation à la frontière lituanienne et lettone semble s’être un peu apaisée – notamment suite aux décisions de mesures provisoires ordonnées par la Cour EDH – la situation à la frontière polonaise a considérablement dégénéré.
Il a été soulevé que la Biélorussie a violé l’interdiction du recours à la force telle que mentionnée à l’article 2(4) de la Charte des Nations-Unies, à l’encontre de la Pologne (et également de la Lettonie et la Lituanie). Il est notamment soutenu que la Biélorussie a recouru de manière indirecte à la force en « organisant ou encourageant l’organisation de bandes armées en vue d’une incursion sur le territoire polonais ». En outre, le Premier Ministre Polonais, Mateusz Morawiecki, a accusé Lukachenko d’utiliser des civils comme armes dans le cadre d’une guerre moderne hybride , tandis que le Président du Conseil européen, Charles Michel, considère les actions biélorusses comme une attaque brutale, hybride sur les frontières européennes, et que l’OTAN a dénoncé les « migrations irrégulières créées artificiellement par la Biélorussie dans le cadre d’actions hybrides. Dans la même ligne, certains experts soulignent que les actions du président Biélorusse disposent d’une composante ‘lawfare’ qui vise à utiliser le droit afin de décrédibiliser et fragiliser la position de la Pologne, de la Lettonie et de la Lituanie qui se retrouvent sous le feu des critiques, ce qui permet à la Biélorussie d’atteindre ses goals stratégiques et militaires par des moyens légaux. Enfin, la violation, par la Biélorussie, du principe de non-intervention dans les affaires intérieures de la Pologne (en particulier en ce que « la Pologne ne doit pas admettre tout le monde sur son territoire, ni de manière incontrôlée) a aussi été mentionnée.
À mon sens, l’allégation selon laquelle l’article 2(4) de la Charte a été violé est très peu convaincante et consacre une interprétation très extensive de l’article 2(4), non conforme au texte ni à la jurisprudence. L’interdiction du recours à la force a en effet été jusqu’ici interprété par les États comme recouvrant des situations de recours à la force au moyen d’actions militaires. Qui plus est, il ne peut être soutenu que les migrants constituent des bandes armées au sens de la Résolution 2625, en l’absence de tout objectif politique ou militaire poursuivi par les migrants qui cherchent simplement un endroit de protection. En ce qui concerne la violation du principe de non-intervention, il est difficile de déterminer dans quel domaine « des affaires intérieures » de la Pologne la Biélorussie entend s’ingérer, première condition pour conclure à la violation du principe (Résolution 2625, Nicaragua para. 195). En amenant des demandeurs d’asile à la frontière polonaise et en facilitant leur entrée sur le territoire polonais, la Biélorussie entend-elle s’ingérer dans la gestion de ses frontières et de la migration par la Pologne, ou dans la gestion du traitement des demandes d’asile aux frontières ? Ces compétences font-elles partie des affaires internes de la Pologne, laquelle est liée par toute une série d’engagements internationaux en matière de traitements de demandeurs d’asile, y compris à ses frontières (droit de l’Union européenne, CEDH, Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, etc.) ? Est-ce que la Biélorussie vise plutôt à atténuer, voire à faire lever, les sanctions qui ont été prises à son égard par l’Union européenne ces derniers mois et s’ingérerait alors dans la politique extérieure de l’Union ? Dans ce cas, il s’agirait alors plutôt d’un conflit complexe entre la Biélorussie et l’Union. Est-ce qu’enfin la Biélorussie vise à s’ingérer dans la manière dont le gouvernement polonaise surveille et critique les actions du gouvernement biélorusse ? Ici encore, les affaires intérieures de la Pologne dans lesquelles la Biélorusse s’ingérerait alors ne sont pas évidentes à identifier. Il semblerait donc que le fait pour la Biélorussie de fournir des visas à des réfugiés pour les faire venir à Minsk, pour ensuite les transporter à la frontière polonaise afin de les inciter, ou de les aider, à franchir les frontières de l’Union européenne pour y demander l’asile, ne constitue pas, en soi, une violation du droit international. Le présent commentaire ne prétend toutefois pas être entré dans une analysée détaillée des arguments évoqués ci-dessus.
En réalité, il me parait essentiel de souligner que ces débats et formulations risquent d’éloigner les discussions du nœud du problème. Se référer aux migrants qui se trouvent ainsi piégés aux frontières extérieures de l’Union européenne comme les « armes » d’un jeu politique, comme les « instruments » d’une guerre hybride ou comme faisant partie d’une « stratégie » ou d’une « intervention » dans les affaires intérieures de la Pologne sont autant de qualifications qui participent à la déshumanisation de ces flux migratoires. Si certes de tels flux migratoires (qui semblent être effectivement organisés par un État en particulier) constituent objectivement des menaces pour la paix et la sécurité – auquel cas le Conseil de Sécurité pourrait se saisir de la situation – ce n’est pas tant en raison des personnes qui se retrouvent au sein de ces groupes, mais c’est plutôt en raison de l’incapacité de l’Union européenne, de ses États membres et de la Biélorussie à gérer l’accueil et l’arrivée des demandeurs d’asile et à assurer le respect de leurs engagements internationaux en matières de droits fondamentaux par-dessus leurs conflits géopolitiques. Dès lors, plutôt que de formuler la crise à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie en termes de sécurité et de recours à la force entre États, le présent commentaire entend la replacer dans son contexte principal de violation des droits fondamentaux des migrants, par la Biélorussie (1) et par la Pologne (2).
1. La violation du droit international des droits fondamentaux par la Biélorussie
1.1 La Biélorussie est partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ainsi qu’à son protocole de 1967. Dans le cadre de l’application de la Convention de 1951, un réfugié est défini comme toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou (…) ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » (Art. 1 (A) 2). La majorité des migrants qui se trouvent aux frontières extérieures de l’Union européenne avec la Biélorussie sont originaires d’Iraq, d’Afghanistan et de Syrie de sorte qu’il est plus que probable que ces personnes demandent l’asile une fois parvenues sur le territoire de l’Union européenne – elles ont d’ailleurs déjà maintes fois exprimé ce souhait comme il le sera expliqué infra – et qu’elles recevront le statut de réfugié. À cet égard, la reconnaissance du statut de réfugié est dite « déclaratoire » en ce que les personnes qui remplissent la définition de la Convention sont automatiquement considérées comme réfugiées, peu importe qu’elles aient été reconnues comme telles par les autorités nationales compétentes (UNHCR Handbook, para. 28). L’article 32(1) de la Convention de 1951 stipule que « [l]es États contractants n’expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public » tandis que son paragraphe 2 énonce que « [l]’expulsion de ce réfugié n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi ». À cet égard, un réfugié – au sens de la Convention – se trouve régulièrement sur le territoire d’un État contractant lorsque cet État l’a admis sur son territoire et ce pendant la durée de l’autorisation de cette admission (voy. Hathaway, p. 174). Ainsi, étant donné que la vaste majorité des réfugiés sont entrés en Biélorussie par le biais de visas touristiques, ils bénéficient de la protection contre tout renvoi forcé vers un autre pays (même sans risque de persécution) découlant de l’article 32 de la Convention de 1951. Pourtant, de nombreux migrants témoignent (voy. aussi ici et là par exemple) du fait que les autorités biélorusses les ont forcés à franchir les barrières avec la frontière polonaise. Par conséquent, si ces faits sont avérés et que les personnes concernés sont des réfugiés qui se trouvaient régulièrement sur le territoire biélorusse, la Biélorussie a violé l’article 32 de la Convention de 1951.
1.2 La Biélorussie est également partie au Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques, à la Convention contre la Torture et autres Peines ou Traitements Cruels, Inhumains ou Dégradants, ainsi qu’à la Convention relative aux Droits de l’Enfant. De très nombreux rapports et témoignages allèguent que les forces biélorusses usent de violence physique et morale à l’encontre des migrants qui se trouvent aux frontières, et qui par exemple demandent de pouvoir retourner en Biélorussie, mais également lorsque ces autorités forcent les migrants à traverser la frontière polonaise. De nombreux migrants allèguent ainsi avoir été frappés par les agents biélorusses (Voy. par exemple ici et là) tandis qu’une vidéo montre les agents biélorusses tirer des coups de feu en l’air à proximité des migrants, dont de nombreux enfants, bloqués aux frontières. Les migrants se trouvent clairement sous la juridiction de l’État biélorusse (i.e., contrôle physique exercé par ses agents), qui doit donc respecter à leur égard les obligations internationales découlant du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (Art. 2.1), de la Convention contre la Torture (Art. 2.1) et de la Convention relative aux Droits de l’Enfant (Art. 2). Il va s’en dire que les traitements et abus auxquels sont soumis les migrants constituent à tout le moins des traitements cruels, inhumains ou dégradants tels qu’interdits par la Convention contre la Torture (Arts. 1, 16), la Convention relative aux Droits de l’Enfant (Art. 37(a)), et le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (Art. 7). Ainsi, la Biélorussie a clairement violé son obligation négative de ne pas soumettre à de tels traitements les personnes se trouvant sous sa juridiction.
1.3. Le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques et la Convention relative aux Droits de l’Enfant, en leur article 6(1), reconnaissent également le droit inhérent à la vie. À cet égard, l’État biélorusse a, vis-à-vis des migrants se trouvant sous sa juridiction, une obligation négative de ne pas leur ôter la vie, mais également une obligation positive d’adopter toute mesure raisonnable et adéquate afin de protéger leur droit à la vie. Dans son observation générale no. 36 (2019) sur l’article 6 du Pacte, le Comité des droits de l’homme a spécifié que l’obligation de prendre des mesures positives pour protéger le droit à la vie implique que les États parties ont « l’obligation d’exercer la diligence voulue en prenant des mesures positives raisonnables, qui ne leur imposent pas une charge irréaliste ou disproportionnée, pour répondre aux menaces prévisibles pour la vie (…) » (para. 25). En particulier, « l’obligation de protéger le droit à la vie exige des États parties qu’ils prennent des mesures de protection spéciales en faveur des personnes en situation de vulnérabilité dont la vie est exposée à un risque particulier en raison de menaces spécifiques ou de schémas de violence préexistants » tels que les demandeurs d’asile ou les réfugiés (para. 26). Comme relaté supra, déjà 13 personnes ont perdu la vie à la frontière biélorusse avec la Pologne. Il peut donc être soutenu que la Biélorusse a violé son obligation positive de protection en négligeant d’adopter la moindre mesure permettant de sauvegarder le droit à la vie de ces personnes. Il est en effet on ne peut plus raisonnable d’exiger de la Biélorussie qu’elle fournisse de la nourriture, de l’eau et des vêtements chauds et secs aux migrants se trouvant sous sa juridiction, surtout en cette période hivernale, ou qu’elle accepte le retour des migrants sur son territoire.
2. La violation du droit international des droits fondamentaux par la Pologne
2.1. Contrairement à la Biélorussie, la Pologne est partie à la CEDH. Avant toute chose, il est important de clarifier que la Convention s’applique bien aux personnes bloquées à la frontière polonaise qui se trouvent donc sous la juridiction de la Pologne (qu’il s’agisse des personnes soumises directement aux contrôles frontaliers, voy. Cour EDH, M.K. v. Poland, paras. 126-132, ou des personnes renvoyées sur le territoire biélorusse et qui se trouvent dans ce cas sous la juridiction extraterritoriale de la Pologne, voy. Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, paras. 171-175). Face à l’arrivée importante de personnes à sa frontière, la Pologne (tout comme la Lettonie et la Lituanie dans un premier temps) a érigé des clôtures frontalières à l’aide de barbelés, a également commencé la construction d’un mur, et a placé un nombre très important de gardes-frontières et de soldats. Qui plus est, de nombreuses personnes allèguent avoir été renvoyées de force en Biélorussie par les agents polonais après avoir pénétré le territoire de l’Union européenne une première fois – voire plusieurs. En outre, la grande majorité des personnes bloquées à la frontière polonaise se voient constamment et systématiquement refuser l’entrée sur le territoire polonais, de sorte qu’elles sont automatiquement et simplement renvoyées en Biélorussie, sans que leurs multiples demandes de protection internationale ne soient enregistrées et sans, par conséquent, que leur demande d’asile et leur situation individuelle ne soient examinées, en dépit des risques exprimés de refoulement en chaine depuis la Biélorussie. Ces pratiques constituent une énième illustration de la politique constante de “pushbacks” et de non-admission exercée par la Pologne à ses frontières extérieures. La Cour EDH a déjà eu, à plusieurs reprises, l’occasion de statuer sur des affaires liées à ces pratiques. Ainsi, dans les affaires M.K. c. Pologne, et D.A. et autres c. Pologne, la Cour a clairement décidé que de telles pratiques de renvoi exercées à l’encontre de migrants qui expriment, aux frontières, leur souhait de demander l’asile, sans examen de leur situation individuelle et des risques invoqués, violent l’article 3 de la Convention et son obligation de non-refoulement, ainsi que l’article 4 du protocole no. 4 à la Convention qui interdit les expulsions collectives d’étrangers. Il découle ainsi, de la CEDH, un droit de demander l’asile aux frontières, qui implique donc un droit d’accès aux procédures d’asile, un droit de rester sous la juridiction de l’État contractant le temps de l’examen des demandes, voire un droit d’entrée sur le territoire s’il y a un risque de traitements inhumains ou dégradants dans la pays voisin notamment en cas de refoulement en chaîne – en particulier lorsque ce pays voisin ne peut être considéré comme « pays sûr » de destination pour les demandeurs d’asile. Par conséquent, la Pologne se trouve clairement en violation de ses obligations internationales découlant de la CEDH en refusant de donner un accès effectif aux procédures d’asile.
2.2. En plus de la CEDH, la Pologne est également partie au Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques, à la Convention contre la Torture et à la Convention relative aux Droits de l’Enfant. Il a été énoncé supra qu’au moins 13 personnes ont perdu la vie à la frontière polonaise (certaines de ces personnes ont d’ailleurs été retrouvées sur le territoire polonais) tandis que les milliers d’autres qui sont bloquées vivent dans des conditions totalement désastreuses, nombreuses d’entre elles nécessitent une assistance médicale urgente, et certaines ont été les cibles de gaz lacrymogènes et de canons à eau de la part des autorités polonaises. Tout comme la Biélorussie, la Pologne a non seulement une obligation négative de ne pas soumettre les personnes se trouvant sous sa juridiction a des traitements inhumains ou dégradants (Art. 3 CEDH, art. 7 Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques, arts. 1, art. 13 Convention contre la Torture, art. 37 Convention relative aux Droits de l’Enfant) mais a également une obligation positive d’adopter toute mesure raisonnable et adéquate pour sauvegarder le droit à la vie de ces personnes (Art. 2 CEDH, art. 6 Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques, art. 6 Convention relative aux Droits de l’Enfant). En août et septembre 2021, la Cour européenne des droits de l’homme avait d’ailleurs indiqué des mesures provisoires dans l’affaire R.A. et autres c. Pologne (ainsi que dans l’affaire Ahmed et autres c. Lettonie) ordonnant aux autorités polonaises « de fournir à tous les requérants de la nourriture, de l’eau, des vêtements, des soins médicaux adéquats et, si possible, un abri temporaire. »
La situation aux frontières extérieures de l’Union européenne avec la Biélorussie met – à nouveau – en exergue d’importantes failles et lacunes du système européen et international de l’asile et de la migration. Premièrement, ces événements témoignent d’une réelle contestation, voire négation, du droit international des droits fondamentaux dont l’effectivité est clairement remise en question, que ce soit de la part de la Biélorussie ou de la Pologne. Ensuite, ces événements démontrent l’urgence pour l’Union européenne de mettre en place un cadre européen de traitements des demandes d’asile aux frontières qui soit efficace et respectueux des droits fondamentaux, même en cas de flux importants de personnes. Enfin, ces événements illustrent à nouveau l’importance de développer considérablement les voies d’accès légales et sûres à la protection internationale, sans lesquelles le sort des personnes en quête de protection risque d’être constamment subordonné aux considérations politiques et géopolitiques – comme l’avaient déjà démontré l’affaire dite « des visas humanitaires » en Belgique il y a quelques années, la menace du chef d’État libyen Al-Gaddafi d’inonder l’Europe de migrants en guise de revanche, et le même moyen de pression utilisé par le président turque Erdogan contre l’Union européenne et la Grèce en 2020. Tous ces jeux de pouvoirs se font au détriment des plus vulnérables qui, au-delà des enjeux politiques économiques ou autres, ont des droits fondamentaux qui doivent être respectés et dont la protection nécessite l’action immédiate de l’Union et de ses États membres.
Eugénie Delval