Adapté du bestseller de Richard Mc Kenna et réalisé en 1966 par Robert Wise, La Canonnière du Yang-Tse (titre original The Sand Pebbles) s’inscrit dans la lignée des grosses productions de films de guerre réalisées lors de cette même période (comme La Grande Evasion ou Le Pont de la Rivière Kwaï). Porté à l’écran par Steve McQueen au plus haut de sa gloire – son seul rôle qui lui a valu une nomination aux Oscars –, Richard Attenborough (ces deux derniers avaient partagé l’affiche de la Grande Evasion), Richard ‘Rambo’ Crenna et Candice Bergen, cette superproduction de trois heures connut un succès commercial important en salles. Outre ses qualités cinématographiques, le film est surtout connu pour son discours ouvertement antimilitariste et pour être un des premiers films à dénoncer – implicitement – la guerre du Vietnam et – explicitement – l’interventionnisme américain. Continuer la lecture
Archives de catégorie : Droit international et Cinéma
Penser la justice pénale internationale avec Hannah Arendt (Margarethe Von Trotta, 2013): Une analyse de Vincent Lefebve
Ainsi l’« affaire Arendt » – plutôt que l’« affaire Eichmann » – a-t-elle été portée à l’écran. L’un des événements cinématographiques marquants de l’année 2013 est en effet la sortie d’un film allemand, réalisé par Margarethe von Trotta, consacré à la vie de Hannah Arendt afin d’illustrer certaines dimensions de sa pensée. On savait depuis longtemps que la vie de la philosophe avait quelque chose de fascinant (et ce bien au-delà de la couverture du procès Eichmann et de ses suites ; pensons à sa liaison avec Martin Heidegger). Un élément cinématographique peut à présent être ajouté au dossier.
Les points de focalisation de la polémique suscitée par la publication, en 1963, d’Eichmann à Jérusalem peuvent être brièvement rappelés : premièrement, il était reproché à Arendt d’avoir mis en cause le rôle des « conseils juifs », c’est-à-dire des organes représentatifs juifs, durant les années d’extermination ; ensuite, sa façon d’aborder la personnalité d’Eichmann et sa « thèse » corrélative de la banalité du mal avaient été soumises à la critique.
Le journal de Bridget Jones (Sharon MacGuire, 2001) et Bridget Jones : l’âge de raison (Beeban Kidron, 2004) : Le droit international comme arme de séduction massive – Une analyse d’Agatha Verdebout
Lors du récent colloque organisé par cette maison sur les représentations du droit international au cinéma et dans les séries télévisées, un constat s’est imposé : si les films traitent de problématiques qui sont indéniablement liées au droit, ils abordent rarement ces problématiques juridiques de front. La question s’est dès lors posée de savoir si notre discipline était suffisamment glamour et sexy aux yeux du grand public pour mériter un traitement plus minutieux de la part de l’industrie cinématographique.
La réponse à cette question, j’ai choisi de la chercher dans les chick flicks – littéralement « films pour poulettes » – et, plus particulièrement, dans les adaptations cinématographiques des livres éponymes de Helen Fielding, Bridget Jones’s Diary et Bridget Jones : The Edge of Reason. Plus que le droit international en tant que tel, nous verrons qu’une variété spécifique d’internationalistes – le « droit-de-l’hommiste » – apparaît comme, indéniablement, sexy.
Du droit international dans Game of Thrones ? (David Benioff, D.B. Weiss ; 2011-2014) : À Westeros, rien de nouveau… – Une analyse de Valère Ndior
Il est des terres hostiles sur lesquelles le juriste en droit international rechigne à s’aventurer, de peur de s’y fourvoyer ou de n’y trouver aucun repère familier. Fort heureusement, Game of Thrones fait partie de ces fictions TV qui animent la réflexion et incitent à ébranler le Mur séparant la fiction du droit international. Surprenons-nous donc à rêver, à nous imaginer juristes à Westeros… et occultons le risque qu’une langue bien (trop) pendue nous mène droit à la potence de Port-Réal.
Armageddon (Michael Bay, 1998) et le Droit international de l’Espace – Une analyse de Jean-François Mayence
Un monstrueux astéroïde file droit sur la Terre et menace l’humanité tout entière. Harry (Bruce Willis) et son équipe sont recrutés et formés par la NASA pour aller à la rencontre de l’astéroïde et le faire exploser en y implantant plusieurs charges nucléaires.
On passera sur les invraisemblances scientifiques pleinement assumées, sur la couche dégoulinante de patriotisme bon marché et sur l’habituel grand cœur cynique et bourru incarné par Bruce Willis. Armageddon est un film d’action et de science-fiction, certes, mais il traduit à plus d’un égard un certain sentiment américain vis-à-vis de la communauté internationale, alors même que l’humanité fait face à son destin immédiat.
Quai d’Orsay (Bertrand Tavernier, 2013) : Le langage, régulateur des crises internationales – Une analyse de Immi Tallgren
Denrée rare et souvent fade du cinéma français, le film politique vient ces dernières années de gagner quelques lettres de noblesse ou, pour s’affranchir de toute terminologie aristocratique, quelques vaillantes couleurs républicaines. Après L’exercice de l’Etat, remarquable étude des cabinets ministériels signé par Pierre Schoeller, c’est au tour de Bertrand Tavernier de livrer, avec Quai d’Orsay, sa vision du fonctionnement du pouvoir exécutif. Il ne s’agit pas de sa première intrusion dans les hautes sphères de l’Etat. Il y a près de quarante ans, Que la fête commence mettait déjà en scène les plus éminentes figures de la monarchie française. Certains prendront plaisir à établir quelques parallèles saisissants entre la cour du duc d’Orléans et celle du ministre des affaires étrangères. D’autres s’amuseront tout autant à reconnaître, parmi les acteurs qui firent une brève apparition dans Que la fête commence, l’encore tout jeune Thierry Lhermitte, qui tient aujourd’hui le rôle du locataire phraseur et virevoltant du Quai d’Orsay.
« L’interprète » (Sidney Pollack, 2005) : l’ONU, la Cour pénale internationale et les Etats Unis. – Une analyse d’Arnaud Louwette
Premier film jamais tourné dans l’enceinte du siège des Nations Unies, « L’interprète » met en scène une interprète à l’Assemblée générale des Nations Unies, Silvia Broome (Nicole Kidman) qui, ayant la mauvaise idée de passer en soirée rechercher ses effets personnels sur son lieu de travail, entend par inadvertance une conversation dans une langue inconnue du spectateur. Si ce dernier n’est, dès lors, pas à même de comprendre le contenu de cette discussion, il n’en est pas de même de notre interprète qui, le hasard faisant bien les choses, se trouve être l’une des rares personnes à parler la langue locale du Matobo, le Ku, langue dans laquelle nos conspirateurs devisaient en plein milieu de l’Assemblée alors qu’un micro avait fort opportunément été laissé allumé. Le hasard fait décidément bien les choses…
Columbo (Ted Post,1975, saison 5, épisode 2) : un diplomate peut-il renoncer à son immunité diplomatique ? – Une analyse de Maxime Didat
Après s’être frotté à tous les VIP imaginables, du banquier à la star hollywoodienne en passant par l’homme politique, le plus célèbre des lieutenants (Columbo, alias Peter Falk) est amené à démontrer qu’un diplomate a commis un crime dans les locaux diplomatiques mêmes. On s’en doute, si les fans de l’homme au basset neurasthénique, à l’imperméable fatigué et à l’inénarrable 403 décapotable ont de quoi se régaler, grâce à ses questions faussement ingénues et à son air « de ne pas y toucher », les spécialistes du droit international et les aficionados des réalités diplomatiques en seront, eux, pour leurs frais. Ce n’est un secret pour personne que la diplomatie fait fantasmer bon nombre de scénaristes ; et ces derniers n’hésitent jamais à laisser libre cours à leur esprit débridé, présentant ce qu’ils croient être le réel pour n’en projeter qu’une image déformée. A cet égard, il va de soi que le mythe de l’extraterritorialité a droit de cité dans le présent épisode : lorsqu’il est dans les murs de l’hôtel diplomatique, Columbo n’est évidemment plus sur le sol américain, mais bien – comme par magie – téléporté à des milliers de kilomètres de là. L’aspect largement galvaudé de l’extraterritorialité et des « chimères » qu’il suscite ayant déjà été traité dans une autre analyse (cf. « L’Arme fatale 2 », par Marco Benatar), nous consacrerons notre analyse à relever quelques erreurs relatives à d’autres questions de droit diplomatique.
L’homme qui en savait trop (Alfred Hitchcock, 1956) : « I’m not responsible for the complications of international law » – Une analyse de Yann Kerbrat
Ne serait-ce que pour cette superbe réplique, qu’on entendra à la fin du second des extraits reproduits ci-dessous, la version « américaine » de L’homme qui en savait trop mériterait de trouver place dans une série de commentaires sur le droit international et le cinéma. Au-delà, l’intrigue du film tout entière pourrait constituer la trame d’un cas pratique pour des étudiants en droit international. Dans un Maroc sous domination coloniale française, un ressortissant américain, le docteur Ben Mc Kenna (James Stewart) en congé à l’hôtel Mamounia de Marrakech avec son épouse Jo (Doris Day) et son fils Hank, est témoin du meurtre d’un Français rencontré peu auparavant, qui lui révèle, au moment de mourir, un complot visant à assassiner à Londres un premier ministre étranger. Cherchant à faire pression sur lui pour obtenir qu’il n’en informe pas les autorités, des complices du crime (les Draytons) profitent de son absence de l’hôtel pour enlever Hank et le conduisent en Angleterre. S’ensuit une recherche palpitante des deux époux à travers Londres. Elle connaîtra un épilogue heureux dans les locaux diplomatiques de l’Etat de nationalité du premier ministre menacé, grâce à la célèbre chanson Que sera, sera, chantée à tue-tête par Doris Day. Continuer la lecture
Torture, nationaux et territoire dans la série « Scandal » (Shonda Rhymes, 2012): – Une analyse de Vincent Chapaux
Olivia Pope est à Scandal ce qu’Hannibal Smith est à l’Agence Tout Risque (The A-Team, 1983-1987) : le leader charismatique du groupe que l’on appelle lorsque la situation est vraiment désespérée. A la différence de la bande de garçon des années 1980, Olivia Pope pratique toutefois assez peu le tuning de voiture et les courses poursuites effrénées. Elle évolue à Washington D.C. où l’expertise juridique, l’investigation et la communication constituent des armes souvent plus efficaces que le fusil à pompe. Épaulée par un cabinet d’experts, elle offre ses services aux personnes qui ont besoin de faire disparaître les scandales avant même qu’ils ne surviennent.
La scène qui est reproduite ci-dessous est centrée sur Huck, collaborateur direct d’Olivia Pope et ancien membre de la CIA. Soupçonné d’être le tireur d’élite ayant mis le Président des États-Unis en coma prolongé, il est torturé sans relâche dans les caves du Pentagone, loin de l’influence d’Olivia Pope qui ignore sa situation. Huck ne doit son salut qu’au procureur des États-Unis (US Attorney) qui assiste aux actes de torture et qui les fera cesser par la force du droit.