En mai dernier, nous avons eu la chance de participer au Concours de procès simulé en droit international Charles-Rousseau, lequel abordait cette année la problématique des migrants interceptés en mer. Le cas pratique mettait en scène deux États mettant en cause la responsabilité d’un troisième État, le Takaramé, devant le Tribunal international du droit de la mer. Il lui était reproché d’avoir manqué à ses obligations en matière de droit de la mer, de droits de l’Homme et de droit des réfugiés. En effet, cet État, dont le port était le plus proche du navire, avait refusé l’accès à ce même port à un navire en situation de détresse à la suite du secours qu’il avait apporté à une centaine de migrants fuyant les persécutions subies dans leur pays d’origine. Ce cas fictif n’est évidemment pas sans rappeler les récents évènements en méditerranée. Pendant plusieurs jours, l’Italie et Malte se sont en effet renvoyées la responsabilité d’accueillir l’Aquarius, un navire ayant recueilli à son bord plusieurs centaines de migrants. Le 10 juin 2018, ce navire de l’ONG SOS Méditerranée avait secouru 629 migrants, parmi lesquels se trouvaient 123 mineurs isolés, 11 enfants en bas âge, et 7 femmes enceintes. L’Italie ayant refusé de les accueillir, le navire s’était retrouvé bloqué à 35 milles marins de l’Italie, et à 27 milles marins de Malte. L’ONG avait pourtant comme pratique, en raison d’un accord passé avec les autorités italiennes, d’accoster et de débarquer les personnes secourues dans les ports italiens. Il semblait donc logique que le navire débarque, comme à son habitude, ces personnes en Italie. Mais logique ne fait pas forcément droit. Il convient donc de s’interroger sur ce que dit le droit international quant au débarquement des migrants secourus en mer. Les conclusions qui suivent s’appuient sur les recherches que nous avons pu effectuer dans le cadre du Concours Charles-Rousseau. Continuer la lecture
Archives de catégorie : Blog
Les frappes des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France en Syrie : quelles justifications juridiques ? Par Olivier Corten (Centre de droit international, U.L.B.) et Nabil Hajjami (CEDIN, Paris Nanterre)
Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 avril derniers, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes militaires en Syrie, visant principalement trois sites qui seraient utilisés par Damas pour la fabrication d’armes chimiques (une allégation contestée par la Syrie comme par la Russie). L’attaque aurait fait des dégâts matériels considérables, mais apparemment aucune victime. Elle est intervenue au moment où, au sein du Conseil de sécurité, les débats s’enlisaient concernant le remplacement du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’ONU, dont le mandat avait expiré en novembre dernier. Plusieurs projets de résolution tendant à établir de nouveaux mécanismes d’enquête avaient échoué en raison tantôt du véto de la Russie (face à un projet présenté par les Etats-Unis), tantôt du nombre insuffisant de votes positifs (en faveur de deux projets présentés par la Russie). Le différend portait donc à la fois sur des éléments factuels (essentiellement l’attribution d’attaques chimiques aux autorités syriennes) et sur les procédures à mettre en œuvre pour assurer un établissement impartial des faits et des responsabilités. Dans ce contexte, un communiqué du 13 avril mentionnait le souci du Secrétaire général de laisser œuvrer l’OIAC sur le terrain, en évitant toute escalade :
« Selon lui, la gravité des récentes allégations ‘nécessite une enquête approfondie faisant appel à une expertise impartiale, indépendante et professionnelle’. À cet égard, il a réaffirmé son plein appui à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à sa mission d’établissement des faits chargée d’enquêter sur ces allégations. ‘La mission d’établissement des faits devrait bénéficier d’un accès complet, sans aucune restriction ou entrave à l’exécution de ses activités. Je prends note que le gouvernement syrien l’a demandée et s’est engagé à la faciliter’, a-t-il ajouté, notant que la première équipe de l’OIAC était déjà en Syrie et qu’une deuxième était attendue vendredi ou samedi » (https://news.un.org/fr/story/2018/04/1011071). Continuer la lecture
Trump pulls USA out of Paris Agreement : A brief commentary – by Laurent Weyers
Last thursday, Donald Trump let the world know of the decision he had just taken to remove the United States from the Paris Agreement. Whereas many had been dreading that this would happen – not to say expecting it -, it nevertheless came somewhat as a surprise. Fierce reactions of dismay then quickly burgeoned throughout the world. ‘The Americans can’t just get out of the agreement’, said the European Commission president Juncker. In an interview, former French presidential candidate and minister of the environment Ségolène Royal even referred to it as a ‘délit contre l’humanité’. Other heads of states or governments used words such as ‘suicide’ or ‘disaster’. These statements seem to be raising at least two sets of questions, which we briefly address hereinafter: firstly, whether a right to withdraw from the agreement indeed exists ; and secondly, in the affirmative, how serious a setback it would be if that right was really to be exercised by the United States, as it now seems to be the near and inevitable future. Continuer la lecture
Les frappes militaires américaines en Syrie du 6 avril 2017 – Quelles incidences en droit international ? Une contribution de Nabil Hajjami, Maître de conférences à l’Université Paris Nanterre (CEDIN)
Le bombardement, le 6 avril 2017, de la base militaire syrienne d’Al-Chaayrate constitue la réaction directe à l’utilisation d’armes chimiques, imputée au régime syrien, contre les populations civiles de la ville de Khan Cheikhoun.
L’objet de ce bref billet est de faire un point synthétique sur les incidences juridiques de ces évènements. À l’évidence, la guerre en Syrie relève d’enjeux complexes et les questions juridiques pourraient paraître, pour certains observateurs se revendiquant du réalisme politique, relever de considérations d’importance pour le moins secondaire. Il n’empêche que le paramètre juridique fait, aujourd’hui encore, bel et bien partie intégrante de l’équation syrienne. Quiconque observe cette crise constatera que les États impliqués dans son règlement ont jusqu’ici développé, avec une bonne foi certes inégale, des argumentaires faisant, à divers degrés, référence à des considérations juridiques. Et l’on pourrait par ailleurs rétorquer aux réalistes que si la situation en Syrie se trouve actuellement dans une telle impasse, c’est précisément parce que les différents acteurs impliqués sont, à de multiples reprises, contrevenu à leurs obligations internationales. Il n’est donc aujourd’hui ni déplacé, ni inutile, d’analyser la crise syrienne du point de vue du droit international. Continuer la lecture