Archives de catégorie : Le droit international par la bande (dessinée)

word-imageLa bande dessinée se situe au carrefour de plusieurs moyens d’expression artistique : l’art graphique, l’art cinématographique et la littérature. Parce qu’elle est tout à la fois dessin, cinéma et écriture, la bande dessinée est un terrain privilégié pour explorer les présentations et les représentations du droit international dans la culture populaire. Qu’est-ce que les bandes dessinées font voir du droit international d’hier et d’aujourd’hui ? Dans quelle mesure les bandes dessinées nous aident-elles à comprendre le droit international –son histoire, son rôle, ses projets, ses zones d’ombre, etc. ?

Pour chaque commentaire, il est indiqué d’accompagner son texte d’une (ou plusieurs) cases de la bande dessinée choisie.

Toute personne intéressée peut envoyer une proposition de commentaire (qui doit faire 3 pages au maximum) ainsi que les cases retenues à Anne-Charlotte Martineau ( anne-charlotte.martineau@mpi.lu ).

« De Salamanque à Guantánamo – Une histoire du droit international », de Gérard Bedoret, Olivier Corten et Pierre Klein — Une analyse de Anne-Charlotte Martineau

« De Salamanque à Guantanamo. Une histoire du droit international » est le fruit d’une collaboration plus que réussie entre deux professeurs de droit international de l’ULB, Olivier Corten et Pierre Klein, et un architecte de formation, Gérard Bedoret. Sortie le 5 octobre 2022 chez Futuropolis, cette bande dessinée a déjà été primée par l’ULB d’un Prix de la diffusion scientifique 2022, dans la catégorie « éditions digitale ou papier »[1], et elle a déjà fait l’objet de plusieurs recensions complimentant ce « passionnant ouvrage de vulgarisation »[2]. Cette bande dessinée s’inscrit en effet dans un mouvement de publication croissante de bandes dessinées à vocation didactique, destinées à expliquer au grand public les enjeux climatiques, l’économie politique ou encore la question du chômage. Dans ce contexte, « De Salamanque à Guantanamo. Une histoire du droit international » est un véritable tour de force : en 256 pages, Olivier Corten et Pierre Klein réussissent à présenter et à rendre intelligible, avec une juste dose d’humour, les grands débats intellectuels et politiques qui ont fait évoluer le droit international. On a ici affaire, pour reprendre la formule du journaliste Olivier le Bussy, « au nec plus ultra de la vulgarisation »[3], cette réussite étant aussi largement due à la qualité graphique et au trait charbonneux de Gérard Bedoret. Les clins d’œil à des œuvres célèbres, comme par exemple la référence cinématographique à la machine infernale des Temps Modernes (p. 123), permettent de dédramatiser les propos sans pour autant les banaliser.

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« Une saison à l’ONU – Au coeur de la diplomatie mondiale » de Karim Lebhour et Aude Massot (2018). Un regard à la fois lucide et tendre sur l’institution – Une analyse d’Anne Lagerwall

 

Une couverture tout en bleu et blanc, rappelant les couleurs de l’organisation internationale. Un personnage dont le regard file vers les hauteurs de l’édifice si caractéristique qui l’abrite, comme un pied de nez à John Bolton, l’ambassadeur y représentant les Etats-Unis durant la présidence de Georges W. Bush, qui n’avait pas hésité à affirmer que « si on enlevait dix étages à l’ONU, ca ne changerait strictement rien ». Il paraît difficile pour quiconque s’intéresse aux Nations Unies de ne pas être intrigué par ce roman graphique aux titre et sous-titre évocateurs. L’envie de se retrouver « au cœur de la diplomatie mondiale » est d’autant plus irrésistible que l’ouvrage raconte les années que Karim Lebhour, le scénariste, a passées à New York entre 2010 et 2014 à couvrir l’actualité des Nations Unies en tant que correspondant de Radio France Internationale, une histoire dont la narration autobiographique promettait a priori de charrier un matériau riche de représentations de ce que sont les Nations Unies et les règles qui en fondent les pouvoirs et en encadrent le fonctionnement.

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Le voyage de Marcel Gross (Philippe Collin et Sébastien Goethals, Futuropolis, 2018) – Une analyse de A.-C. Martineau

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« Le voyage de Marcel Gross » est un voyage dans le temps, un retour sur un épisode à la fois douloureux et occulté de la deuxième guerre mondiale. Les premières planches plantent le décor : nous sommes le 11 octobre 2009 et Marcel Gross, un vieil homme de 83 ans, se retrouve devant un mystérieux juge qui l’interroge sur son passé. Les questions portent sur les événements datant du 28 juin 1944, jour où Marcel, alors jeune Alsacien de 17 ans, rejoint la Waffen SS, trois mois après le débarquement des Alliés en Normandie. Au fil des pages, nous voyons Marcel se remémorer avec émotion ce jour fatidique où, comme 10 000 de ses camarades Alsaciens « malgré-nous », il fût embrigadé dans la Waffen SS. Pour le juge qui instruit son affaire, il va falloir convaincre le tribunal qu’il n’a pas été un criminel nazi. Comment déterminer la responsabilité de Marcel, dans la mesure où il a été enrôlé de force dans la Waffen SS, tristement réputée pour ses massacres de civils ? Continuer la lecture

Joe Sacco, Gaza 1956, en marge de l’histoire (Futuropolis, 2010, 424 pages) Une analyse d’Anne-Charlotte Martineau

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Joe Sacco est mondialement connu pour son talent, son engagement et son genre graphique, à la croisée du journalisme, du documentaire et de la bande dessinée. Sous la forme de « BD reportage », il raconte l’histoire des peuples et s’engage sans complaisance auprès des victimes de guerre et de violence : de la Bosnie à Gaza, en passant par l’Inde et Malte, il construit depuis plus de vingt ans une œuvre puissante, originale et profondément humaniste. Son album Gaza 1956, publié en 2009 aux États-Unis et traduit dans plusieurs langues, s’inscrit dans cette veine : en resituant à la fois l’expérience concrète des palestiniens –celle d’un continuum entre hier et aujourd’hui– et l’expérience vécue par le reporter/dessinateur lorsqu’il mène son enquête sur le terrain, Gaza 1956 offre au lecteur « un autre regard »[1] sur le conflit israélo-palestinien. Récompensé par de nombreux prix[2], cet album explore la relation entre le passé et le présent, la mémoire et l’expérience, d’une manière à la fois extrêmement sensible et rigoureuse. Continuer la lecture

“Atar Gull” ou le destin d’un esclave modèle (Nury et Brüno, éditions Dargaud, 2012) – Une analyse de Anne-Charlotte Martineau

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Dans cette BD, dont le scénario captivant est une adaptation du roman éponyme d’Eugène Sue paru en 1831, on suit l’histoire d’un jeune Africain à la stature imposante, Atar Gull. Celui-ci est capturé, vendu puis déporté dans une plantation de cannes à sucre de la Jamaïque dans les années 1830. Fils du roi de la tribu des Petits Namaquas, Atar Gull est réduit à la condition d’esclave et sombre dans une folie meurtrière. En effet, tout en affectant le plus profond dévouement à l’égard de Tom Will, le colon auquel il a été vendu, Atar Gull poursuit une vengeance secrète. C’est que Tom Will a fait pendre le père d’Atar Gull sous une imputation mensongère, tout simplement parce que le vieil homme, déporté comme son fils, lui coûtait plus qu’il ne lui rapportait. La vengeance d’Atar Gull sera féroce et implacable. Continuer la lecture