Égide Arntz (1812-1884)

Égide-Rodolphe-Nicolas Arntz (Clèves, Prusse rhénane, Allemagne, 1er septembre 1812 – Ixelles (Bruxelles), 23 août 1884)

Il fut le premier internationaliste à acquérir une grande notoriété dans la discipline du droit des gens. Il enseignait déjà divers cours à l’Université depuis 1838, mais il fut le premier professeur à enseigner le « droit des gens », à partir de l’année académique 1856-1857. Il restera titulaire de cet enseignement jusqu’à son décès en 1884.

Dans les 126 pages de l’exceptionnelle notice qu’Alphonse Rivier lui a consacrées dans l’Annuaire de l’Académie (voir Sources infra), la vie d’Égide Arntz se déroule devant nos yeux comme un roman.

Originaire d’une bonne famille bourgeoise de Clèves, il commença ses études universitaires en 1830. Tout d’abord à Munich. Adhérant aux idées libérales, il participait activement au mouvement de la Burschenschaft « Germania » favorable à l’unité culturelle et politique de la patrie allemande et exalté par les idées promues par la révolution de Juillet en France dont on sait qu’elle devait déboucher sur un régime de monarchie parlementaire. Les participants de ce mouvement furent poursuivis pour « haute trahison » ; il réussit à échapper à un sort défavorable (la prison ou l’exil) et alla continuer ses études dans diverses universités allemandes : à Iéna, Bonn et Heidelberg.

Il rentra à Clèves en 1934 avec son diplôme de droit, pour y commencer une carrière dans le premier degré de la magistrature comme attaché au tribunal en qualité de stagiaire (Auskultator). Mais, ses antécédents de Munich le poursuivant, il fut sur le point d’être arrêté pour subversion ; il s’échappa à la barbe des policiers, sautant par la fenêtre ;  un de ses frères l’attendait avec des chevaux ; il gagna la frontière des Pays-Bas, puis trouva asile à Liège où il s’inscrivit à la Faculté de droit pour y réaliser son doctorat. Il y obtint son diplôme de docteur avec grande distinction en un an (1835) et décida de rester à Liège, prêta son serment d’avocat et commença son stage au barreau. Il faut dire que l’année suivante son procès en Allemagne se terminait par une condamnation pour haute trahison et quinze ans de forteresse. Cette condamnation devait sept ans plus tard faire l’objet d’une grâce royale, par une décision de 1841, lorsque le nouveau souverain de Prusse, Frédéric Guillaume IV, accéda au trône.

En 1837 Égide Arntz envisagea de passer un concours pour entrer dans la fonction consulaire ou diplomatique belge. Pour cela il fallait être Belge ; sa demande de naturalisation prise en considération par la commission de la Chambre des Représentants fut repoussée par le Sénat en 1841, suite probablement à une confusion avec un autre professeur allemand de l’ULB, le philosophe allemand Henri Ahrens.

Le 26 juillet 1838, il est engagé à l’Université de Bruxelles. Cette jeune université, créée en 1834, était heureuse de pouvoir se fortifier en donnant asile à plusieurs professeurs allemands libéraux, très bien formés dans leur pays d’origine. Outre Haus et Henri Ahrens, Charles Mainz y enseignait les Institutes. On confie à Arnst le cours de Pandectes; il développa magistralement cet enseignement pendant les 10 ans qu’il occupa cette chaire. En 1844 il est nommé professeur ordinaire. Et en 1848 on lui confie le droit public. Entre temps, il avait participé à la fondation en 1842 de la revue  « La Belgique judiciaire ».

Mais 1848, c’est le temps des révolutions, en France des revendications politiques et sociales qui conduisent à la chute de la monarchie et à l’instauration de la seconde république. La Prusse est à son tour ébranlée par ce mouvement et le monarque décide de la création d’une constituante. Des élections ont lieu pour le choix de représentants. Égide Arntz se porte candidat dans son canton d’origine à Clèves et est élu à l’unanimité moins une voix. Il donne sa démission à l’ULB, qu’elle accepte avec regret.

Et le voilà siégeant à la Constituante à Berlin. Son idéal à l’époque, « c’est la monarchie constitutionnelle, le trône fondé sur la volonté de la nation et entouré d’institutions libérales », (cité par Rivier, p. 323), le pouvoir représentatif, les libertés constitutionnelles. L’influence de la Constitution belge est évidente. L’Assemblée de 1848, entraînée par une gauche trop exigeante – pour sa part, Arntz se situait au centre-gauche – va progressivement cabrer le pouvoir royal, l’armée et les conservateurs. Dès décembre, le Roi dissolvait la Constituante et octroyait une constitution – la constitution prussienne du 5 décembre 1848 – qu’Arntz considère d’un œil sévère et estime bien moins bonne que la Constitution belge, les libertés y étant étroitement délimitées.  Une nouvelle Assemblée est constituée, dont il est membre, mais qui se heurte, à son tour au pouvoir royal ; elle est destituée en avril 1949 et dispersée de force par l’armée. La carrière parlementaire d’Arnst se termine et il rentre à Bruxelles et y reprend ses fonctions au barreau.

L’Université de Bruxelles est ravie de pouvoir l’accueillir à nouveau et le charge de plusieurs enseignements : le droit civil approfondi, le droit naturel, le droit public de la Belgique, le droit public général et le droit des gens soit de 16 à 18 heures par semaine ! À cette liste, on se rend compte à quel point les professeurs de l’époque possédaient des compétences juridiques encyclopédiques. Un trait distinctif de son enseignement consistait à mettre en lumière l’évolution historique des institutions qu’il exposait.

Il joue aussi un rôle important dans l’Université : il fut plusieurs fois doyen (alors Président) de la Faculté de droit : en 1867-1868, 1876-1877 et 1882-1883. Il est recteur de l’ULB en 1866-1867, prorecteur en 1867-1868 et quatre fois délégué de la Faculté de droit au Conseil d’administration.

Il est par ailleurs, élu en 1877 (Annuaire, vol. 2 (1878), pp. 161-162) à l’Institut de droit international qui avait été créé à Gand en 1873 à l’initiative de Gustave Rolin-Jaequemyns . Il demeurera membre de cette compagnie où il fut très actif jusqu’à son décès en 1884 tant dans les matières de droit des gens que dans celles du droit international privé. En droit des gens il prit une part active aux questions de prises maritimes, sur la juridiction en Orient, sur la navigation des fleuves internationaux. C’est lui qui rédigea la résolution relative au Congo, c’est lui encore qui avait provoqué l’institution d’une commission de la police sanitaire internationale et qui était le rapporteur de cette question.

Il fut, à partir de 1878 un des directeurs de la Revue de droit international et de législation comparée qui avait également été fondée par Gustave Rolin-Jaecquemyns en 1868. On notera au passage que cette Revue (RDILC) est la première revue consacrée au droit international de langue française, sinon la première tout court, précédant de vingt cinq ans la Revue générale de droit international public (1894).

Son activité de consultant dans les matières de droit civil comme de droit public était importante la liste complète de ses publication en rend compte. Incidemment on notera qu’il contribua à la rédaction de la Constitution de l’État indépendant du Congo.


Bibliographie de Egide Arnzt

Sources:

Bonnes gravures :

  • Université libre de Bruxelles 1834-1959, face à la page 46 (lithographie de 1848, hommage des députés polonais à l’Assemblée constituante pour les positions prises par Arntz pour défendre le droit des Polonais à l’autonomie au sein de l’Allemagne.
  • Dans la notice d’Alphonse Rivier dans l’Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 1887, face à la page 293 : portrait gravé par David-Joseph Desvachez
  • Dans la salle du Conseil d’administration ULB ? portrait dessiné par M. Cluyseneer.