Une brève analyse de la portée juridique du Pacte Mondial des migrations sûres, ordonnées et régulières

Le Pacte Mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières crée-t-il des obligations pour les Etats qui l’adopteront, si ce n’est pas le cas, est-il susceptible d’en créer à l’avenir ? La question se retrouve dans de nombreux débats qui ont animé ces derniers jours à la fois le Parlement et le Gouvernement belges, mais aussi les médias et les divers réseaux sociaux, en Belgique et à l’étranger. Anne Lagerwall, Olivier Corten, François Dubuisson, Vaios Koutroulis, Pierre Klein  et Nicolas Angelet réfutent une série d’affirmations excessives formulées au sujet de ce Pacte mondial. 

« Le Pacte est un traité international qui liera la Belgique si elle l’approuve » : FAUX

En dépit de ce que pourrait laisser entendre sa dénomination, le « Pacte » n’est pas un traité international instaurant des obligations conventionnelles dont on pourrait exiger le respect. Il vise plus généralement à créer un cadre de coopération internationale entre les Etats. Estimant que les migrations les concernaient tous et qu’« aucun pays ne peut seul relever les défis que pose ce phénomène mondial ni saisir les occasions qu’il offre » (§ 11), les Etats ont entendu mettre sur pied un mécanisme dans le cadre duquel ils pourront récolter et échanger des informations, comprendre les phénomènes des migrations, penser ensemble leurs divers aspects, le tout en vue de construire des politiques migratoires coordonnées. Il expose les « ambitions et principes directeurs » de ce mécanisme : on lit par exemple que les Etats s’engagent « à améliorer la coopération en matière de migration internationale » (§ 8) ou qu’il est crucial que les Etats « ne se laissent pas diviser et restent unis face aux difficultés que posent les migrations internationales et aux occasions qu’elles offrent ». Il s’agirait encore de « collecter et utiliser des données précises et ventilées qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits » (objectif 1) ou de « lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine » (objectif 2).

Il est vrai que le Pacte prévoit une série d’« engagements » par lesquels les Etats peuvent mettre en œuvre cette coopération, en énumérant une gamme d’actions qui pourront être mises en place. Mais il ne s’agit pas là d’obligations juridiques dont un Etat ou un individu pourrait réclamer le respect devant les cours et tribunaux belges. C’est précisément ce que le Pacte spécifie quand il énonce en ses paragraphes 7 et 15 § b qu’il s’agit d’un « cadre de coopération juridiquement non contraignant ».

« Le Pacte crée de nouveaux droits pour les migrants et l’obligation de les accueillir pour les Etats qui l’approuveront » : FAUX

Dès lors que le Pacte mondial constitue plutôt un cadre de coopération et qu’il n’est pas juridiquement contraignant, il ne peut créer pour les Etats, à l’égard des migrants ou des réfugiés, de nouvelles obligations qui viendraient s’ajouter à celles que le droit international leur impose déjà. Le Pacte s’appuie sur une série de conventions internationales relatives aux droits humains (§ 2), en rappelant que les réfugiés et les migrants jouissent des mêmes libertés fondamentales et droits universels qui doivent être respectés, protégés et exercés en toutes circonstances (§4). Ce sont là des obligations qui doivent déjà être respectées par les Etats qui sont parties à ces conventions, qu’ils décident ou non d’approuver le Pacte.

Ce dernier ne reconnaît, en particulier, nullement une nouvelle obligation pour les Etats d’accueillir des migrants. Au contraire, le Pacte souligne, en son paragraphe 15 § c), « le droit souverain des Etats de définir leurs politiques migratoires nationales et leur droit de gérer les migrations relevant de leur compétence, dans le respect du droit international ». Plus généralement, on peut souligner que la « souveraineté nationale » est explicitement définie comme l’un des principes directeurs du cadre de coopération que le Pacte instaure, au même titre que la « coopération internationale », « le développement durable », les « droits de l’homme »,….

« Le Pacte créera immanquablement des obligations pour la Belgique à l’avenir » : FAUX

Serait-il possible qu’à l’avenir, le Pacte mondial crée des obligations pour les Etats ? Il peut arriver, en droit international, que les engagements énoncés dans un texte conçu originellement comme non contraignant deviennent par la suite des obligations. Mais cela s’explique généralement par le fait que ces engagements sont intégrés dans un autre instrument auquel les Etats reconnaissent un caractère obligatoire. La Déclaration universelle des droits de l’homme, dont on fêtera les 70 ans le 10 décembre prochain, a d’abord été conçue comme « un idéal commun à atteindre ». Le respect des droits qu’elle formule – le droit à la vie, le droit à ne pas être soumis à la torture, le droit de ne pas être arrêté arbitrairement – est ensuite devenu obligatoire pour les Etats, parce que ces droits ont été repris dans des traités internationaux – les pactes de New York de 1966 – qu’une écrasante majorité d’Etats ont ensuite ratifiés. Une telle transformation ne se produit pas systématiquement, et elle se produit rarement de manière immédiate. En 1974, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté les principes et les programmes d’action d’un « nouvel ordre économique international », qui ne sont jamais devenus des obligations juridiques contraignantes pour les Etats. De même, en 1982, l’Assemblée générale a adopté une Charte mondiale de la Nature qui établissait, dans un style similaire au Pacte mondial sur les migrations, des « principes généraux », des « fonctions » que les Etats s’engageaient à respecter et un processus de « mise en œuvre », autant d’éléments formant également un cadre dont il faut bien reconnaître qu’il n’a pas été très largement suivi par les Etats et auquel on n’a jamais par la suite reconnu de caractère contraignant.

S’ils n’ont pas directement produit d’obligations, de tels instruments ont sans nul doute pu inspirer des évolutions qui ont parfois abouti à la reconnaissance par les Etats d’obligations. Mais la pratique montre qu’il s’agit là d’une évolution qui prend généralement un certain temps. Si on prend l’exemple du changement climatique, on constate qu’il a d’abord été l’objet d’une résolution de l’Assemblée générale, qui reconnaissait la nécessité de prendre cette question au sérieux, avant d’être traité dans la Convention-cadre sur les changements climatiques en 1992. Des obligations précises pour les Etats n’ont été définies qu’avec l’adoption du Protocole de Kyoto en 1997 puis de l’accord sur le climat en 2015, avec toutes les limites qu’on connaît. De même, le Pacte mondial marque peut-être une étape dans un processus qui pourrait aboutir un jour à l’adoption d’obligations pour les Etats. Mais il s’agit là d’un processus qui n’a rien d’évident ni d’immédiat. Et ce processus dépend en tout état de cause de la volonté des Etats.

« Le Pacte sera automatiquement utilisé par les juges pour reconnaître des droits supplémentaires aux migrants » : FAUX

Est-ce que le fait que le Pacte mondial ne crée pas d’obligations pour les Etats signifie qu’il est dénué de toute portée juridique ? Le Pacte consigne une série d’engagements d’objectifs qui pourraient éventuellement être pris en considération pour interpréter les obligations énoncées dans les traités internationaux existants ou se prononcer sur l’existence d’une coutume. Cette possibilité de mobiliser des instruments non contraignants à des fins d’interprétation du droit ou d’établissement du droit coutumier ne peut donc pas être exclue. Elle existe pour le Pacte Mondial sur les migrations comme pour tout instrument international non contraignant, en ce compris les nombreuses résolutions adoptées chaque année par l’Assemblée générale des Nations Unies en faveur desquelles la Belgique a voté. Il est impossible de prédire l’influence que le Pacte, ou l’un quelconque de ces instruments, pourrait avoir sur la manière dont les cours et les tribunaux interpréteront à l’avenir les obligations internationales de la Belgique. Mais il faut bien admettre que, jusqu’ici, le recours par les juges belges à des instruments similaires au Pacte est resté marginal.

« Il est indispensable d’adopter une ‘déclaration interprétative’ pour éviter que le Pacte soit utilisé pour imposer à la Belgique de nouvelles obligations » : FAUX

La « déclaration interprétative » est un mécanisme généralement utilisé par les Etats lorsqu’ils signent ou ratifient un traité, le plus souvent pour limiter ou réduire la portée juridique de celui-ci. C’est en ce sens qu’une déclaration interprétative a été évoquée il y a deux ans, lors de la signature du CETA. On assimile alors la déclaration interprétative à une « réserve », une possibilité expressément prévue par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. Mais, comme on vient de le rappeler, le Pacte mondial n’est pas un traité. Il paraît donc paradoxal de vouloir adopter une déclaration interprétative du Pacte, tout en voulant à tout prix éviter que ce dernier soit assimilé à un traité.

Le but pourrait certes être simplement de réaffirmer formellement que le Pacte ne peut créer de nouvelles obligations juridiques. Mais comme on l’a relevé plus haut, c’est ce qui ressort déjà du texte du Pacte lui-même…

« Le premier ministre belge ne peut représenter la Belgique à Marrakech en raison de la crise gouvernementale » : FAUX

Le texte final du Pacte Mondial sera adopté à Marrakech les 10 et 11 décembre prochain, à l’occasion d’une conférence intergouvernementale. Il sera ensuite soumis à l’Assemblée générale en vue d’y être voté. On connait la crise interne que traverse le gouvernement fédéral belge au sujet de l’adoption du Pacte Mondial. Mais une telle crise n’affecte en rien la possibilité pour le premier ministre de se rendre à cette conférence pour y représenter la Belgique, du point de vue du droit international. Le premier ministre est l’une des personnes capables de représenter l’Etat sur la scène internationale et ce, quelles que soient les difficultés politiques auxquelles son gouvernement se trouve confronté, et même si ce dernier se voyait réduit à gérer les affaires courantes. Du point de vue du droit international, le premier ministre d’un Etat continue à représenter l’Etat jusqu’à ce que son mandat prenne officiellement fin. Si une telle situation est susceptible de soulever des problèmes en droit constitutionnel belge, elle n’en pose aucun en droit international.

Anne Lagerwall, Olivier Corten, François Dubuisson, Vaios Koutroulis, Pierre Klein et Nicolas Angelet
Centre de droit international

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2 réflexions sur « Une brève analyse de la portée juridique du Pacte Mondial des migrations sûres, ordonnées et régulières »

  1. Nicole DANDOY

    Excellente analyse et brillante interprétation
    Dommage qu elle n ait pas été présentée par le gouvernement en temps voulu

    Répondre

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