Le Concours Charles Rousseau : Une expérience intense et inoubliable !

Fin janvier 2019, lorsque Vaios Koutroulis annonça que nous allions représenter l’ULB au prestigieux Concours Rousseau, c’est avec un peu d’appréhension mais surtout beaucoup d’enthousiasme que nous allions nous plonger dans le droit de l’OMC, pour ainsi dire inconnu jusqu’alors, afin de défendre au mieux les intérêts du Turnada et de la Cambologne, États alliés désormais devenus rivaux.


Dès ce soir-là, nous rencontrions notre coach, France Laurent, qui, d’un bout à l’autre de cette belle aventure, nous soutiendrait sans relâche et deviendrait pour nous, au droit international, ce que Céline Dion est à la chanson (ou Geneviève Dufour au RFDI).

Nous étions conscients que la préparation de ce concours ne serait pas une mince affaire, mais c’est seulement quelques jours plus tard, lors de notre premier rendez-vous avec France, que nous comprenions réellement que le concours allait désormais rythmer notre vie quotidienne.

Nous nous rencontrions par la suite toutes les semaines, la rédaction de nos mémoires avançant doucement mais sûrement et la qualité de ceux-ci s’améliorant sans cesse grâce aux remarques avisées de notre coach, infatigable : la fameuse technique du PRAC juridique nous a très certainement sauvés en nous obligeant à mettre de l’ordre et de la structure dans toutes ces considérations OMCistes, ou comme nous aurions ensuite à cœur de le dire, de remettre la cathédrale au milieu du village…

Moins de deux mois plus tard, le 18 mars, l’heure de la remise des mémoires écrits avait sonné. Nous avions été prévenus : deux mois, c’est un laps de temps relativement court pour un travail d’une telle ampleur. Le cas de cette année, le droit de l’OMC, nous paraissait en plus relativement spécifique : la compétence des groupes spéciaux, le GATT, la défense des intérêts économiques des États, la sécurité nationale, étaient des concepts plutôt nouveaux pour notre équipe. Toutefois, nous ne nous étions pas laissé déstabiliser et, deux semaines avant la remise, après de nombreuses réunions, d’innombrables recherches en bibliothèque, des questionnements incessants sur l’application de la bonne foi à l’exception de sécurité nationale, et des centaines de messages échangés, nous commencions à nous sentir plus à l’aise avec le droit de l’OMC. L’usage du silicium et l’article 21 du GATT n’avaient plus de secret pour nous. Malgré tout, le stress montait.

La veille de la remise, nos mémoires étaient écrits et complets, certes… mais trop longs ! Pourtant, le soir du 18 mars venu, cachés dans le bureau de notre coach et enfermés au Centre de droit international par les patrouilleurs après que ceux-ci nous aient apportés tous leurs encouragements, nous y sommes parvenus : il était 22h47 et le fruit de notre travail pouvait désormais être envoyé.

Si ces semaines avaient été dures en labeur, elles furent cependant extrêmement enrichissantes, tant académiquement qu’humainement.

Nos doigts éreintés et nos yeux fatigués cédèrent ensuite leur place à la parole. À partir du mois d’avril, nous avons effectué de nombreux exercices de plaidoiries, nous améliorant jour après jour, usant de la patience et de l’expertise de plusieurs assistants et professeurs du Centre (et allant même jusqu’à nous filmer, afin de repérer plus aisément nos erreurs). Cela nous a permis de développer une rhétorique adaptée aux questions des juges, que ces dernières soient pertinentes pour le litige ou simplement posées dans le but de nous pousser dans nos derniers retranchements.

Si le stress d’avoir à plaider devant un jury d’examen particulièrement pointilleux, composé de François Dubuisson et de Vaios Koutroulis, était déjà intense, il céda rapidement sa place à un stress plus grand encore, lorsque fut venu le moment de défendre nos arguments et nos mémoires écrits face à des équipes venues du monde entier.

En effet, quelques jours après l’examen, c’est dans le Thalys direction Strasbourg que nous peaufinions une toute dernière fois nos plaidoiries des joutes éliminatoires. Le premier soir, à la Mairie de Strasbourg, le cocktail de bienvenue débuta par un discours du Président de l’Office de Tourisme et conseiller municipal, Jean-Jacques Gsell, relayé ensuite par la Présidente du RFDI, Geneviève Dufour, chargée de nous présenter les rédacteurs du cas pratique de cette année, les juges, et surtout, les autres équipes. Dans le magnifique cadre de cette Mairie, nous ne pensions pourtant qu’à une chose : rejoindre notre Airbnb afin de nous préparer aux joutes qui nous attendaient le lendemain matin dès 11 heures.

En effet, chaque minute de notre séjour était dédiée à analyser et tenter de répondre aux arguments des différentes équipes que nous allions affronter. Sans notre coach, aux petits soins pour nous, nous ne nous serions d’ailleurs sans doute même pas accordés le temps de manger un repas digne de ce nom, et nous aurions probablement passé des nuits, déjà trop courtes, encore plus courtes. Les journées se succédaient au rythme des plaidoiries de qualification, affrontant des équipes chaque fois différentes devant des juges venus d’universités du monde entier. Nous étions heureux d’être présents à ce merveilleux concours et déterminés à faire de notre mieux, pour aller le plus loin possible dans l’aventure.

Deux jours plus tard, alors que les joutes éliminatoires avaient pris fin, nous retrouvions les autres équipes au Buffet des Nations. Ce fut l’occasion de discuter avec les équipes que nous avions affrontées jusqu’alors et de faire connaissance avec les autres, autour d’un bout de chocolat ou plutôt d’une bière belge (ces dernières ayant remporté les faveurs de nombreux étudiants et coachs). Ce soir-là, on nous annonça notre qualification pour les quarts de finale, qui allaient se jouer le lendemain dès 14h. Quelques « petits » détails venaient toutefois bouleverser notre organisation habituelle : tout d’abord, il nous fallait plaider cette fois à quatre, chose que nous n’avions jamais faite auparavant car nous avions jusque là toujours plaidé deux par deux, soit en demande, soit en défense. Ensuite, nous avions été choisis pour représenter le Turnada, la moitié de notre équipe devait donc, du jour au lendemain, effectuer un revirement schizophrénique et défendre les intérêts d’un État qu’elle s’évertuait à attaquer depuis des mois. De plus, il était proposé à chaque équipe de relever le challenge de placer dans leur plaidoirie 2 mots (différents selon qu’on était demandeur ou défendeur) inspirés du lieu de l’édition 2019– Strasbourg – et qui n’avaient clairement rien à faire dans une plaidoirie devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC… Finalement, nous allions affronter l’Université d’Aix-Marseille, grand gagnant de l’édition précédente… Ces changements, renversant notre « routine », ont bien entendu provoqué chez nous un regain d’énergie, d’adrénaline, et l’envie de donner, plus que jamais, le meilleur de nous-même.

Ce quart de finale fut un moment riche en émotions. Nos adversaires étaient très doués et nous savions que nous départager serait pour les juges une tâche ardue. D’ailleurs, une grosse heure après la fin de notre plaidoirie, alors que nous passions dans les couloirs de l’Université de Strasbourg, où s’était déroulée la joute, la coach de l’UCL nous informait que les juges n’avaient toujours pas terminé leur délibération, car ils ne parvenaient pas à atteindre l’unanimité requise pour qualifier une équipe pour les demi-finales. Suspense… jusqu’à l’annonce, le soir-même, toujours dans le Hall de l’Université, de notre qualification.

Cette fois, nous disputerions la demi-finale dans le rôle des représentants de la Cambologne, contre l’Université de Strasbourg, que nous avions déjà rencontrée durant les phases éliminatoires. Petits défis supplémentaires, la plaidoirie se déroulerait désormais au Palais universitaire, serait ouverte au public et nous serions évalués non plus par trois, mais bien par cinq juges.

A la sortie de cette joute, qui serait finalement la dernière, nous étions – à juste titre – moins confiants qu’à la sortie des plaidoiries précédentes. Notre professeur, Nicolas Angelet, qui était venu nous encourager lors de cette demi-finale, nous a toutefois félicité pour notre performance et son précieux soutien a rendu cette demi-finale plus exceptionnelle encore. Il était temps d’aller manger une bonne choucroute, voire des spätzle typiquement alsaciennes, pour se remettre de toutes ces émotions…

Le lendemain, samedi, alors que la semaine était passée à une vitesse folle, les résultats finaux furent annoncés lors d’une très agréable réception organisée au restaurant « Au Brasseur ». Après l’annonce de nos amis d’Ottawa comme l’équipe ayant remporté le prix de la meilleure photo, le classement des joutes éliminatoires fut effectué. Ce fut ensuite le moment d’annoncer les cinq meilleurs mémoires écrits, classement dont nous ressortîmes fiers d’avoir décroché la première place et reçu le prix « Henri-Rolin ». Finalement, nous fumes également très heureux d’apprendre que nous avait été attribué le « Prix des demi-finalistes », nous classant en troisième place sur les dix-sept universités participantes, ainsi que trois prix des meilleurs plaideurs sur les 10 attribués. Tousces efforts fournis depuis de nombreux mois ont été reconnus et récompensés, et notre esprit d’équipe en est ressorti plus fort que jamais.

Quelques jours plus tard, rentrés à Bruxelles, nous réalisions tout ce que cette expérience nous avait apporté. Nous n’imaginions pas, quelques mois plus tôt, former un quatuor si performant et si soudé. Il est évident que ce n’est pas toujours facile de concilier des caractères différents dans un travail de groupe, mais lorsque cela fonctionne, chacun en ressort différent, humainement grandi. En outre, ce concours nous a permis d’approfondir fortement nos connaissances juridiques, en termes économiques mais également vis-à-vis du droit international général, dans un laps de temps restreint et à un rythme intense. Ce fut, pour chacun d’entre nous, une expérience extrêmement enrichissante. C’est pourquoi nous encourageons vivement les futurs étudiants du master de spécialisation en droit international à sauter à pieds joints dans cette incroyable et inoubliable aventure.

 Stefano D’Aloia, Marie Henrotte, Ariane Gemander et Cécile Vrignon

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